Au début de ce cours nous allons revenir sur l'étude des équations aux dérivées partielles que nous avons entamées dans le premier cours de cette initiation aux distributions et dans le premier cours, nous étions limités aux cas des équations des dérivées partielles d'ordre 1, nous allons désormais nous intéresser aux cas des équations aux dérivées partielles d'ordres supérieurs pour lesquelles la méthode des caractéristiques ne fonctionnent plus. Alors. Je vais commencer par donner quelques généralités, quelques considérations générales sur les équations aux dérivées partielles et nous verrons rapidement comment le calcul des distributions permet d'avancer, de donner une première piste pour résoudre certaines équations aux dérivées partielles. Alors, la notion que nous allons mettre en place pour étudier les équations aux dérivées partielles consiste à définir la notion de solution élémentaire, notion de solution élémentaire pour les équations aux dérivées partielles linéaires à coefficients constants et cette notion de solution élémentaire va nous fournir une méthode générale de résolution pour de telles équations aux dérivées partielles. Donc linéaires à coefficients constants. Alors, on pourrait penser que finalement s'intéresser aux équations aux dérivées partielles linéaires à coefficients constants c'est évidemment un cas extrêmement particulier mais justement les équations aux dérivées partielles sont une branche des mathématiques pour laquelle il n'existe pas à ce jour de théorie générale satisfaisante, ce qui est le contraire des équations différentielles ordinaires pour lesquelles on a des théorèmes génériques comme par exemple le théorème de Cauchy-Lipschitz. Théorème d'existence et d'unicité sous certaines conditions concernant le champ vecteur. Rien de tel n'existe de manière satisfaisante pour les équations aux dérivées partielles à l'exception peut-être du théorème de Cauchy-Kovalewski qui porte sur des équations aux dérivées partielles linéaires mais dans le cadre analytique qui est peu intéressant souvent du point de vue des applications notamment la physique et donc, devant une telle situation, il faut se résoudre à étudier séparément des exemples significatifs d'équations aux dérivées partielles exemples venant par exemple de la physique mais aussi éventuellement d'autres branches des mathématiques comme de la géométrie différentielle. Bien. Donc, commençons par quelques généralités sur la notion d'opérateurs différentiels. Alors, dans toute la suite je vais utiliser la notation grand D, donc grand D ça va être un opérateur à valeur vectorielle donc grand D c'est le n-uplé, grand D1 et cetera grand DN ou Dk, grand Dk c'est tout simplement 1 sur i d rond k. 1 sur i dérivée partielle par rapport à k N variables. Il est particulièrement commode d'utiliser cette notation parce que nous allons le voir, c'est une notation qui se marie bien avec la transformation de Fourier. Bien. Alors, avec cette notation, nous pouvons maintenant donner une définition de la notion d'opérateur différentiel à coefficients constants sur R N ou de la même manière le définir sur des ouverts de R N mais limitons-nous au cas de R N. Eh bien, un opérateur différentiel à coefficients constants sur R N c'est une application linéaire de D prime de R N dans lui-même, donc c'est un endomorphisme de l'espace vectoriel D prime de R N qui est de la forme P de D égale somme de b indice alpha grand D puissance alpha où alpha décrit l'ensemble des multiindices de longueur inférieures ou égales à un entier petit d prescrit à l'avance. Dans cette formule, les b indice alpha sont des nombres réels ou complexes, suivant qu'on s'intéresse à des opérateurs différentiels à coefficients réels ou complexes. Bien. Alors, à partir de là, on associe à tout opérateur différentiel linéaire à coefficients constants sur R N les notions de symbole de l'opérateur. Et il y a deux notions de symbole, il y a d'une part le symbole complet de P de D. Alors le symbole complet de P de D c'est un polynôme en la variable ksi ou plus exactement en le N-uplé des N variables ksi 1, ksi 2, ksi N, c'est donc un polynôme à n variables ou à N indéterminé comme un voudra qu'on va noter sigma de P, le symbole de P qui en ksi vaut somme pour longueur de alpha inférieure ou égale à d de b indice alpha monôme ksi puissance alpha avec la notation usuelle des multiindices. Autrement dit, comment j'obtiens le symbole complet à partir de l'opérateur différentiel? Eh bien, c'est très simple, vous prenez l'expression de l'opérateur différentiel, somme pour longueur de alpha inférieure ou égale à d de b alpha grand D puissance alpha et vous substituez à grand D puissance alpha qui est un monôme différentiel, le monôme ksi puissance alpha. Alors, évidemment comme sigma de P est un polynôme à N indéterminé eh bien, on peut le décomposer en polynôme homogène et on peut regarder sa composante homogène de plus haut degré, on définit ainsi le symbole principal de P de D qu'on va noter sigma indice petit d de P évalué au point ksi, qui est la somme pour longueur de alpha égale à petit d de b alpha ksi puissance alpha où d est l'entier qui définit l'ordre maximal des multiindices intervenant dans l'expression de P de D, ordre maximal que l'on nomme évidemment ordre de P de D. Alors, là dedans il y a bien sûr la même notion pour l'ordre de l'opérateur P de D que pour le degré du polynôme symbole complet sigma de P. Autrement dit petit d, l'ordre de P de D, c'est le degré du symbole complet de P de D, c'est le degré du polynôme sigma de P, ce qui veut dire que si je regarde les coefficients b indice alpha avec longueur de alpha égale à d eh bien, il y en a forcément un qui est non nul. C'est la même définition que celle du degré d'un polynôme. Alors, à partir de là, voyons quelques exemples fondamentaux d'opérateurs différentiels, exemples qu'on rencontre dans de nombreuses équations aux dérivées partielles qui sont construites si on veut autour de ces exemples fondamentaux d'opérateurs différentiels. Alors, le premier opérateur différentiel fondamental sur R N c'est celui qui est attaché à la géométrie euclidienne de R N, c'est le laplacien. Donc le laplacien sur R N c'est l'opérateur différentiel somme de k égale 1 jusqu'à N de d rond k au carré. Un opérateur différentiel d'ordre 2. Le second exemple qu'on rencontre également très souvent en physique notamment pour les problèmes de propagation c'est opérateur d'Alembert ou d'Alembertien. Alors dans le d'Alembertien on fait le tri entre une variable de temps et une variable d'espace, t étant la variable de temps, x étant la variable d'espace. t varie dans R, x varie dans R N et l'opérateur d'Alembertien que l'on désigne par un petit carré et qu'on appelle souvent box de t x c'est d rond t carré moins laplacien en x. Alors on dit box si on veut parler anglais, on dit d'Alembertien si on veut être plus correct en français. Cet opérateur d'Alembertien c'est l'opérateur qui intervient dans l'électromagnétisme, dans la propagation des ondes donc, c'est un opérateur qui lui est lié à des phénomènes de propagation d'ondes dans l'espace à N dimensions. Ondes acoustiques, ondes électromagnétiques, par exemple. Le troisième exemple c'est le cas de l'opérateur de la chaleur. À nouveau, c'est un opérateur qui met en jeu deux jeux de variables, une variable de temps t et une variable d'espace x et qui s'écrit d rond t moins un demi de laplacien par rapport à la variable x. Donc l'opérateur de la chaleur comme son nom l'indique apparaît pour la première fois dans les travaux de Fourier sur la propagation de la chaleur ou sur la distribution de températures dans un solide. Quatrième exemple qui lui est d'apparition plus récente, c'est l'opérateur de Schrödinger. A nouveau, une variable de temps et une variable d'espace, donc c'est un opérateur différentiel sur Rt croix R N et l'opérateur de Schrödinger, alors il ressemble beaucoup à l'opérateur de la chaleur sauf qu'il y a un coefficient complexe. Donc l'opérateur de Schrödinger c'est i d rond t plus un demi de laplacien en x, et c'est l'opérateur qui intervient dans l'équation du mouvement fondamentale de la mécanique quantique. Bien. Voici deux autres exemples fondamentaux. Il y a l'opérateur d'Airy alors que j'ai écrit en dimension 1, un opérateur sur Rt croix Rx, c'est à nouveau une variable de temps et une variable d'espace, c'est l'opérateur d rond t, plus d rond x cube. Cet opérateur intervient dans la modélisation des phénomènes dispersifs, pour des ondes sur la surface de l'eau, par exemple. Enfin, un opérateur qui est bien connu, dans le cadre de l'étude des fonctions holomorphes, c'est l'opérateur de Cauchy-Riemann. Alors, c'est un opérateur qui lui, ne vient pas de la physique, c'est un opérateur qui vient des mathématiques, donc, c'est un opérateur différentiel sur le plan complexe identifié à R 2. Donc, le point courant du plan complexe z sera noté x plus y, avec x qui est la partie réelle de z, et y qui est la partie imaginaire de z, et l'opérateur de Cauchy-Riemann, que l'on note souvent d rond barre, ou d sur dz barre, vaut un demi de d rond x plus i, d rond y. À nouveau, c'est un opérateur à coefficient complexe, et cet opérateur, par exemple, c'est lui qui permet de définir les fonctions holomorphes, puisqu'on peut définir les fonctions holomorphes sur C, ou sur un ouvert de C, comme étant les fonctions qui annulent l'opérateur de Cauchy-Riemann. Bien, alors maintenant venons-en à la notion de solution élémentaire d'un opérateur différentiel, qui est le plus que nous donne la théorie des distributions, pour l'étude des équations à dérivée partielle, des opérateurs différentiels. Alors, une solution élémentaire de P de D, opérateur différentiel à coefficient constant sur R N, c'est une distribution sur R N, donc un élément grand E de D prime de R N, tel que, lorsque je lui applique l'opérateur différentiel P de D, eh bien la distribution P de D appliquée à E, est égale à la masse de Dirac en l'origine, masse de Dirac en zéro, évidemment dans D prime de R N. Alors, quel est l'intérêt de cette notion? Eh bien, l'intérêt de cette notion, il est considérable, parce que, supposons qu'on veuille résoudre l'équation aux dérivées partielles d'inconnue petit f, qui est une distribution sur R N, et équation qui s'écrit P de D appliqué à F égale S, où S est une distribution à support compact, quelconque, donnée. Donc, ici, S est la donnée, petit f est l'inconnue. Eh bien, si vous connaissez une solution élémentaire de P de D, théorème: il existe au moins une solution à l'équation P de D, f, égale S, solution qui est donnée par la formule petit f, égale E, convolé avec S. Évidemment, on ne sait pas, en général, si E est une distribution à support compact, donc, en toute généralité, j'ai choisi la donnée S dans E prime de R N, de façon à être certain que le produit de convolution E étoile S, est bien défini. Mais, dans un certain nombre de situations, par exemple, il se pourrait que la distribution E elle-même soit à support compact, auquel cas on n'aurait pas besoin d'ajouter cette restriction que le terme, que la donnée de l'équation P de D, f égale S, est à support compact. Mais en toute généralité, nous allons traiter le cas des données à support compact, puisque ça n'occasionnera aucune restriction, quant à la solution élémentaire de l'opérateur différentiel qu'on considère. Alors, maintenant, on a une solution de l'équation, à partir du moment où on a une solution élémentaire, mais, évidemment, on veut aller plus loin, et il y a plusieurs questions naturelles qui se posent. Première question: cette solution est-elle la seule solution? Autrement dit, et puisque P de D est une application linéaire de D prime de R N dans lui-même, un endomorphisme linéaire de D prime de R N, eh bien le problème d'unicité, c'est de savoir si P de D, f, égale S a une unique solution au sens des distributions, le problème d'unicité, revient à chercher le noyau de l'application linéaire P de D, et à se demander si le noyau est égal à zéro, autrement dit, si cette application linéaire est injective. Donc ça, c'est évidemment un premier thème de recherche important, enfin c'est une question importante, lorsqu'on étudie les équations aux dérivées partielles. Une deuxième question importante, qui d'ailleurs est souvent reliée à la première, c'est de chercher la régularité de la solution petit f, en fonction de celle de la donnée grand S. Par exemple, est-ce que, si je sais que la restriction de S, a un ouvert oméga de R N, est en fait une fonction de classe C infini sur oméga, est-ce que je vais pouvoir en déduire que petit f est elle-même une distribution dont la restriction à oméga est une fonction de classe C infini? Donc la question, c'est de savoir si la régularité locale de la solution peut se deviner, se lire, se déduire, des informations qu'on a sur la donnée S. Alors la première question, elle, elle est indépendante de la notion de solution élémentaire. La deuxième question, elle, dépend de la structure de la solution élémentaire. Evidemment, par exemple, si la solution élémentaire est de classe C infini dans le complémentaire de l'origine, eh bien, si je sais que la source, que la donnée, est de classe C infini dans un ouvert oméga, eh bien, la solution petit f sera de classe C infini dans le même ouvert oméga. Bien, mais donc, il est important, il est important de pouvoir calculer, ou au moins d'avoir une idée de la structure des solutions élémentaires des opérateurs différentiels. Maintenant, donc, quelles sont les méthodes à notre disposition pour trouver une solution élémentaire? Alors, la première méthode à laquelle on pense forcément et immédiatement, c'est d'utiliser la transformation de Fourier. Alors, pourquoi ça? Eh bien, proposition: soit S, une distribution à support compact sur R N, eh bien une distribution tempérée f appartenant à S prime de R N, vérifie P de D, f, égale S, si et seulement si, le symbole de P évalué en ksi multipliant la transformée de Fourier de petit f, est égal à la transformée de Fourier de S. Formule presque évidente, puisque, eh bien, on a choisi la définition de l'opérateur grand D, un sur i, d rond k, le vecteur D, 1 sur i, d rond k, de telle sorte que, par la formule élémentaire de l'action de la transformation de Fourier sur les dérivées, eh bien, lorsqu'on fait agir la transformée de Fourier sur grand D k de petit f, eh bien ce qu'on trouve, c'est que ça vaut ksi k, la transformation de Fourier de petit f. Bon, et donc, en itérant cette remarque, eh bien on voit que la transformée de Fourier de P de D, f, c'est sigma de P, multipliant la transformée de Fourier de petit f. À nouveau, cette expression a bien un sens, puisque sigma de P est un polynôme en ksi, donc on a tout à fait le droit de le multiplier par une distribution tempérée, en l'espèce de la distribution tempérée Fourier de f. Donc, spécialisons cette proposition au cas particulier de la solution élémentaire. Eh bien dans ce cas, S, c'est la masse de Dirac en zéro, donc sa transformée de Fourier c'est la constante 1. Et donc, on se retrouve avec l'information suivante: une solution élémentaire tempérée, de l'opérateur différentiel P de D, doit forcément satisfaire sigma de P, symbole total de P, multipliant Fourier de R, égal à 1. Bien, alors, évidemment, si on imagine qu'on a affaire à un calcul au sens des fonctions, on a envie de dire, bien dans ce cas-là, Fourier de E, c'est égal à 1 sur sigma de P et de ksi, en tout cas, là où sigma de P et de ksi ne s'annulent pas. Bon, mais, en tout cas, même si cette quantité ne s'annule pas très souvent, la vraie question qu'il faut se poser c'est: est-ce que 1 sur sigma de P, de ksi, est une distribution tempérée sur R N? Parce que, si ce n'est pas le cas, ça ne va pas nous aider beaucoup d'imaginer que Fourier de E est égale à 1 sur sigma de P, de ksi, comme fonction. Donc, en réalité, on reconnaît, ici, un problème de division au sens des distributions, tout à fait analogue à celui qu'on a déjà rencontré au début du cours, à savoir résoudre dans D prime de R l'équation xT égale 1, qui est le problème de la division par x. Alors, le problème de la division par x, on a vu que c'était pas simple puisque la solution générale, de xT égale 1, c'est vP de 1 sur x, plus constante arbitraire, fois masse de Dirac en zéro. Eh bien, le problème de la recherche de la solution élémentaire en passant par la transformation de Fourier, c'est un problème qui est analogue, mais qui est beaucoup plus compliqué. Sur le plan historique, il faut savoir que c'est vers le milieu des années cinquante que le mathématicien français, Bernard Malgrange, et le mathématicien américain, Léon Ehrenpreis, ont démontré que tout opérateur différentiel, à coefficient constant, possède une solution élémentaire. Bon, d'un certain point de vue, la théorie des équations aux dérivées partielles à coefficient constant, c'est une théorie qui est complète, puisque l'objet essentiel, c'est de trouver une solution élémentaire. Or, ce théorème de Malgrange-Ehrenpreis, dit que c'est possible, pour tout opérateur différentiel à coefficient constant. Bon, donc, la transformation de Fourier pour trouver des solutions élémentaires, c'est pas la panacée, c'est pas une garantie absolue d'arriver au résultat. Et donc, en pratique, il faut utiliser d'autres informations. Il faut en particulier s'inspirer des symétries de l'opérateur différentiel dont on cherche la solution élémentaire, c'est-à-dire des transformations géométriques qui laissent invariante l'équation aux dérivées partielles à résoudre. Et donc, en pratique, en réalité, il est important de connaître les solutions élémentaires des quelques exemples fondamentaux qui ont été présentés ci-dessus, et bon, sinon de les connaître par coeur, au moins de savoir comment les retrouver, ou de connaître leur structure.