Donc dans ce troisième cours de cette initiation à la théorie des distributions nous allons étudier d'autres opérations sur les distributions que les dérivations que nous avons rencontrées dans le deuxième cours. Alors évidemment, euh, comme les distributions sont des formes linéraires sur l'espace des fonctions de classe C infini à support compact, eh bien, l'addition et euh, la multiplication par le scalaire ne pose aucun problème. L'étape suivante c'est de regarder ce qui se passe pour la multiplication. Et nous allons commencer par expliquer comment on peut effectuer le produit d'une distribution par une fonction de classe C infini. Alors voilà comment ça fonctionne. Si je me donne un ouvert oméga de R N eh bien, pour toute distribution T sur oméga et toute fonction psi de classe C infini sur oméga, on peut définir une distribution qui va être notée psi fois T, qui est la distribution produit de psi par T et qui est définie par la formule suivante: la distribution psi T apliquée à une fonction T phi quelconque sera égale par définition à T appliqué au produit psi fois phi. Alors évidemment la formule donne tout de suite le fait que psi T est une forme linéaire sur l'espace des fonctions de classe C infini à support compact dans oméga, mais il faudra encore vérifier que cette forme linéaire est bien une distribution. Et pour ça il faut vérifier que cette forme linéaire satisfait la propriété de continuité des distributions. On va regarder ce qui se passe en dimension 1. En dimension 1, ben pour tout oméga ouvert de R et pour tout K compact inclut dans oméga la formule de Leibnitz va nous permettre de contrôler les dérivées successives du produit phi fois psi. En effet, phi fois psi dérivée alpha fois au point x, en valeur absolue, est contrôlé par la somme pour tous les entiers bêta allant de zéro jusqu'à alpha du coefficient binominal bêta parmi alpha fois la valeur absolue de phi dérivée bêta fois au point x que multiplie la valeur absolue de psi dérivée alpha moins bêta fois au point x. Maintenant, chacune de ces valeurs absolues est majorée par la norme de phi ou de psi d'ordre alpha, puisque alpha est l'ordre maximal de dérivation restreinte au compact K, puisque phi est un support dans K et que par conséquent, dans le produit phi psi d'ordre alpha de x eh bien, nous n'avons à contrôler les dérivées de psi, que lorsque x parcourt le compact K. Chacun de ces deux termes est contrôlé par la norme de phi d'ordre alpha dans K que multiplie la norme de psi d'ordre alpha dans K. Il reste évidemment la somme des coefficients binomiaux de bêta égale zéro jusqu'à alpha. Cette somme des coefficients binomiaux on sait qu'elle est égale à deux puissance alpha. Bien. Il apparaît une formule du même genre formule de Leibnitz qu'on peut étendre au cas de la dimension supérieure, on vérifie très facilement que la condition de continuité sur la distribution T, à savoir le fait que la valeur absolue de T appliquée à phi et majorée par C indice K norme de phi d'ordre pk dans K pour tout phi de classe C infini à support compact dans K. Cette condition implique que la distribution psi fois T, plus exactement la forme linéaire psi fois T appliquée à phi en valeur absolue est contrôlée, majorée par deux puissance pk C K, norme de psi d'indice pk dans K que multiplie norme de phi d'indice pk dans K. Par conséquent, la forme linéaire psi T définit bien une distribution sur oméga. Alors voyons quelques exemples de calcul de produit et le plus simple, bien sûr après le produit des fonctions, le premier exemple c'est de calculer le produit d'une masse de Dirac par une fonction de classe C infini. Alors prenons un ouvert oméga de R N, un point x zéro ouvert et une fonction psi de classe C infini sur oméga et un calcul trivial montre que le produit de la distribution masse de Dirac en x zéro par la fonction psi est égal au nombre psi de x zéro fois la masse de Dirac en x zéro. Alors cet exemple qui est très simple permet tout de suite de refléchir au petit exercice suivant qui est extrêmement instructif et qui montre la différence qu'il y a entre le calcul au sens des distributions et le calcul au sens des fonctions. L'exercice consiste à résoudre l'équation x fois T égale 1, équation d'inconnue T distribution sur R et où x est tout simplement la fonction identité qui à x associe x. Alors évidemment si on cherche à résoudre cette équation pour T fonction mesurable définie presque partout sur la droite réelle, eh bien, on va trouver que T de x égale 1 sur x presque partout pour x appartenant à R étoile. Evidemment on ne saura pas ce que vaut T zéro, peut-être qu'il n'est pas défini en zéro, puisqu'un point de mesure nul, ça n'a aucune importance. Si on cherche à résoudre cette même équation pour T distribution sur R on trouve que la solution générale de cette équation est donnée par la formule: T égale valeur principale de 1 sur x plus C fois masse de Dirac en zéro, où C est une constante arbitraire. On voit donc que cette équation x T égale 1 qui a une solution unique si T est cherché dans la classe des fonctions mesurables sur R admet plusieurs solutions dans l'espace des distributions sur R et l'indétermination, le fait qu'il y a plusieurs solutions est due au fait que x fois la masse de Dirac en zéro vaut zéro. Et que donc si on a une solution particulière de cette équation cette solution particulière plus une constante arbitraire fois la masse de Dirac en zéro est encore solution. Cette propriété de non unicité pour cette équation est caractéristique de la différence entre le calcul des distributions et le calcul au sens des fonctions. Dans de très nombreux exemples de calculs, il faudra bien faire attention au fait que ce que l'intuition nous dit parce que nous savons du calcul sur les fonctions peut être trompeur, lorsqu'on veut effectuer le même calcul dans le cadre des distributions. Alors maintenant que nous avons défini la notion de dérivée d'une distribution et que nous avons le produit d'une distribution par une fonction de classe C infini, il est naturel de se demander si on ne dispose pas dans le cas des distributions de l'analogue d'une formule de Leibnitz pour calculer les dérivées successives d'un produit. Alors c'est le cas, je vais expliquer comment ça fonctionne, mais pour ça je vais avoir besoin de notation supplémentaire sur les multi-indices et pour deux multi-indices alpha et bêta m composante, donc alpha et bêta appartiennent à N puissance m on dira que bêta est inférieur ou égal à alpha si bêta i est inférieur ou égal à alpha i pour tout i allant de 1 jusqu'à m si les composantes de alpha et de bêta sont ordonnées, si bêta i est inférieur ou égal à alpha i pour tout i allant de 1 jusqu'à m. Maintenant étant donné deux multi-indices alpha et bêta dans N puissance m tel que bêta est inférieur ou égal à alpha, on va définir le coefficient binomial bêta parmi alpha comme étant le produit des coefficients binomiaux bêta i parmi alpha i lorsque i varie de 1 jusqu'à m. Avec cette notation, eh bien, il va être très simple d'écrire la formule de Leibnitz en dimension quelconque et dans le cadre des distributions, elle s'énonce de la manière suivante: soit T distribution sur oméga et soit une fonction a de classe C infini sur oméga. Alors pour tout multi-indice alpha on a la formule suivante: d rond alpha du produit aT est égal à la somme sur tous les multi-indices bêta inférieurs ou égaux à alpha du coefficient binomial bêta parmi alpha fois le produit de la fonction de classe C infini d rond alpha moins bêta de a par la distribution d rond bêta de T. Cette formule se démontre par récurrence sur la longueur de alpha. Un bon exercice pour utiliser cette formule consiste à calculer dans d prime de R donc au sens des distributions sur la droite réelle, le produit du monôme x puissance m par la distribution de Dirac delta zéro d'ordre n, pour tous m et n entiers naturels. On trouve que cette distribution est une combinaison linéaire de distribution de Dirac en zéro. Maintenant que nous avons défini Le produit d'une distribution par une fonction de classe C infini, il faut vérifier que cette opération est continue, au moins séquentiellement continue. C'est ce que démontre la proposition suivante : Donc, soit psi fonction de classe C infini sur oméga, et oméga étant un ouvert de R N, et T indice n, une suite de distribution sur oméga. Et bien, si on suppose que Tn converge vers T au sens des distributions sur oméga, alors, la suite de distribution psi Tn, produit de la distribution Tn par la fonction psi converge vers psi T au sens des distributions, dans oméga. Là encore, la démonstration est extrêmement simple, elle découle presque de la définition. En effet, pour tout phi de classe C infini à support compact dans oméga, psi Tn appliqué à phi, ce n'est rien d'autre que Tn appliqué à phi, psi, mais comme Tn converge vers T au sens des distributions, Tn appliqué à phi, psi, converge vers le nombre appliqué à phi, psi. Mais ce nombre, par définition, c'est la distribution psi T appliquée à phi. Autre opération que nous connaissons bien sur les fonctions, c'est la notion de restriction d'une fonction à un sous-ensemble, de son ensemble de définition. Alors, une fonction, c'est une règle qui, à tout point de l'ensemble de départ, associe une valeur, dans l'ensemble d'arrivée. Pour une distribution, les choses sont bien différentes parce que ça n'a aucun sens de parler de la valeur d'une distribution en un point, contrairement au cas des fonctions. Donc, l'opération de restriction d'une distribution à un ouvert se fait de manière un petit peu plus compliquée, et voici la définition. Donc, je vais considérer petit oméga et grand oméga, deux ouverts de R N, petit oméga étant inclus dans le grand oméga, et je me donne une distribution T sur grand oméga. Alors, la restriction de T à petit oméga, et la distribution sur petit oméga, notée T restreint à petit oméga, de la même manière que pour les fonctions, et qui est définie de la manière suivante : T restreint à petit oméga, appliqué à phi, où phi est une fonction test quelconque sur petit oméga. C'est-à-dire une fonction de classe C infini à support compact quelconque sur petit oméga. C'est tout simplement, T appliqué à la fonction phi tilde, qui est obtenu à partir de phi en la prolongeant par zéro en dehors de petit oméga. Évidemment, comme phi est une fonction de classe C infini à support compact dans petit oméga, phi est identiquement nul au voisinage du bord de petit oméga, de la frontière de petit oméga. Et donc, son prolongement par zéro, dans le complémentaire de petit oméga, dans grand oméga ; ce prolongement est encore de classe C inifini. Il est évidemment un support compact puisque le support de phi, qui est le même que le support de phi tilde, est un compact inclus dans petit oméga. On voit donc, sur cette formule, que l'opération de restriction de la distribution T à petit oméga s'interprète, au sens de l'algèbre linéaire, comme la transposition de l'opération de prolongement de la fonction test petit phi par zéro, dans le complémentaire de petit oméga. Évidemment, cette définition est une définition qui fonctionnerait encore pour des fonctions localement intégrables. On peut vérifier que la restriction d'une fonction localement intégrable au sens des distributions, c'est-à-dire définie de cette manière-là, coïncide avec l'opération de restriction sur les fonctions que l'on connaît déjà. Une autre opération extrêmement utile et importante qu'on connaît sur les fonctions, c'est la composition des fonctions, et plus particulièrement, le changement de variables. Alors, voyons comment ça fonctionne dans les distributions. Et pour ce faire, je vais considérer oméga 1 et oméga 2, deux ouverts de R N. Et puisque je veux faire un changement de variables, je vais supposer que je me donne un difféomorphisme de oméga 1, dans oméga 2. Et puisque je travaille avec des distributions, il va falloir travailler en régularité, C infini. Donc, je supposerai que ce difféomorphisme est de classe C infini. Maintenant, à partir de ce difféomorphisme ki, je vais construire une opération, qui à tout phi, fonction test sur oméga 1, c'est-à-dire phi de classe C infini à support compact sur oméga 1. On va associer une fonction test sur oméga 2, qu'on va noter ki étoile phi. Donc, fonction de classe C infini à support compact sur oméga 2 qui va être définie par la formule ci-dessous. ki étoile phi, c'est la fonction qui, à tout y, dans oméga 2, associe le nombre phi de ki moins 1 de y, que multiplie la valeur absolue du déterminant jacobien de ki, calculée au point ki moins 1 de y, et dont je prends l'inverse. Autrement dit, c'est le déterminant jacobien de ki moins 1, évalué en y, en valeur absolue, et dont je prends l'inverse. Alors, avec cette définition de l'opération ki étoile, qui me permet de passer d'une fonction test sur oméga 1, à une fonction test sur oméga 2, on peut définir la composition d'une distribution T sur l'ouvert oméga 2 par le C infini difféomorphisme qui va de oméga 1 vers oméga 2. On obtiendra ainsi, une distribution que l'on notera T rond ki, comme dans le cas des fonctions. T rond ki sera une distribution sur l'ouvert oméga 1, et cette distribution T rond ki, elle est définie par la formule suivante : T rond ki appliqué à phi. Alors là, il s'agit de dualité entre les distributions sur oméga 1, et les fonctions de classe C infini à support compact sur oméga 1. Ce nombre est égal à la distribution T appliquée à la fonction test ki étoile phi. Et là, il s'agit de dualité entre la distribution T qui est une distribution sur oméga 2, et la fonction test ki étoile phi qui est une fonction de classe C inifini à support compact, sur oméga 2. Alors, vérifiez que T rond ki, ainsi défini, est une distribution sur oméga 1. C'est un calcul un petit peu compliqué et technique que nous ne ferons pas dans ce cours, mais qui ne pose pas de difficultés conceptuelles. Alors, vérifions comment fonctionne cette opération sur les exemples les plus fréquents. Bien d'abord, vérifions que dans le cas des fonctions, on retrouve bien la notion de compositions des fonctions, que l'on connaît déjà. En effet, si je prends une fonction f qui est localement intégrable sur l'ouvert oméga 2, lorsque je la compose avec le C infini difféomorphisme ki, qui va de oméga 1 dans oméga 2, j'obtiens une fonction qui est localement intégrable sur oméga 1. Et on vérifie que la distribution Tf, composée avec ki, est bien égale à la distribution qui est définie par f rond ki, qui est une distribution sur oméga 1. Et la vérification de cette formule consiste tout simplement à appliquer la formule du changement de variable y égale ki de x dans l'intégrale, somme sur oméga 1 de f de ki de x, phi de x, dx. C'est cette formule du changement de variables, et le fait que l'on souhaite que la composition des distributions, en, par les difféomorphismes coïncident avec la composition des fonctions, avec les difféomorphismes, les fonctions localement intégrables, en tout cas. C'est le fait qu'on souhaite avoir la même formule, pour les fonctions, et la formule du changement de variables qui explique pourquoi, dans la fonction ki étoile phi, on prend, non pas seulement phi composé avec ki moins 1, mais phi composé avec ki moins 1 multilplié par l'inverse du déterminant jacobien de ki moins 1. Un autre exemple de calcul que l'on rencontre fréquemment, et qui met en jeu la composition d'une distribution par un C infini difféomorphisme, c'est le cas des translations et des homothéties. Alors, je vais noter pour z, vecteur arbitraire de RN, et lambda, un réel positif. Je noterai tau indice z, la translation de vecteur z, qui à x, associe x plus z, dans R N. Et m, indice lambda, l'homothétie de rapport lambda, centrée en zéro, qui à x, associe lambda x. Voyons comment on calcule avec ces notations, la composée d'une masse de Dirac avec une translation. Eh bien, on vérifie très simplement que la masse de Dirac, en x zéro, composée avec la translation de vecteur z, est égale à la masse de Dirac en x zéro moins z. Donc, c'est la masse de Dirac en tau moins z, de x zéro. De la même manière, on vérifie sans peine que la masse de Dirac en zéro, composée avec l'homothétie de rapport lambda. est égale à lambda, à la puissance moins n, où n est la dimension de l'espace, masse de Dirac en zéro. Alors, ces deux formules sont absolument évidentes, et découlent immédiatement de la définition. Dernière opération que nous allons tenter. Alors, lorsque on a des fonctions mesurables, on peut évidemment, ce sont des fonctions à valeurs, dans R ou dans C. On peut effectivement les multiplier. On connaît le produit de deux fonctions F et G qui, à tout point x ou à presque tout point x dans le cas de fonctions mesurables définies presque partout, associe le produit F de x, G de x. Et bien, cette opération, il ne va pas être possible de la faire, en général, dans le cas des distributions. Regardons ce qui se passe, si on essaie de multiplier deux masses de Dirac. Alors évidemment, on pense à une masse de Dirac comme étant une fonction concentrée au point qui la définie. delta au point x 1, c'est une masse qui est concentrée sur le point x 1. Et partout ailleurs, cette masse de Dirac, on veut y penser comme à quelque chose qui vaut zéro en dehors de x 1. Par conséquent, il serait naturel de dire que le produit delta au point x 1, fois delta au point x 2 est égal à zéro, si x 1 est différent de x 2. Et de fait, on peut donner un sens à ce calcul. En revanche, lorsque x 1 est égal à x 2, il n'est pas possible de définir, dans le cadre des distributions, le carré de la masse de Dirac en x zéro. Mais en réalité, cela va même plus loin, il n'est même pas toujours possible de définir le produit d'une distribution par une fonction qui ne serait pas de classe C infini. Alors, voici un exemple qui va montrer tout de suite qu'il y a une contradiction, si on essaie de faire ce genre de calcul. Je vais tenter de définir le produit de la masse de Dirac en zéro, par la fonction d'Heaviside. Fonction dont on a vu que c'est la fonction indicatrice de R plus, c'est-à-dire que c'est la fonction H qui vaut 1, si X est positif ou nul, et qui vaut zéro si X est strictement négatif. Alors maintenant, si on savait donner un sens au produit de la masse de Dirac en zéro par H, on aurait la chaîne d'égalité suivante. D'une part, on sait que H dérivée au sens des distributions, c'est égal à la masse de Dirac en zéro. Mais H, elle est égale à H au carré, puisqu'elle prend les valeurs 1 ou zéro. Donc, la dérivée de H, c'est la même chose que la dérivée de H au carré. La dérivée de H au carré, par la formule de Leibniz, devrait être égale à deux fois H fois delta en zéro. Très bien, avec cette formule, on en déduit que H, delta en zéro, serait donc égale à un demi de delta en zéro. Mais, par la même argument, H au carré, ou H, c'est également égal à H au cube. Et si je dérive H au cube, à nouveau, il serait logique de trouver trois fois H au carré, fois delta zéro. À savoir, trois fois H delta zéro. Alors, H delta zéro n'étant pas nul, puisque deux fois H delta zéro, égal delta zéro. On en déduirait que deux égal trois. Donc, il y a évidemment une contradiction, et ce qu'on en conclut, c'est qu'il n'y est pas possible de définir de manière raisonnable, le produit de H par la masse de Dirac en zéro. Évidemment, on peut définir le produit de H par la masse de Dirac en un point autre que zéro parce que au voisinage d'un point autre que zéro, la fonction de Heaviside est de classe C infini.