[MUSIQUE] Rosabeth Moss Kanter est un auteur reconnu pour son approche des changements organisationnels, en s'appuyant sur les managers et sur les leaders. Son ouvrage, The change masters, où elle présente la roue du changement, est considéré comme un des ouvrages les plus influents du XXème siècle. Bien que ses domaines d'expertise soient multiples, passant du management au leadership, par l'innovation, elle s'est très vite spécialisée sur l'étude des changements organisationnels et sur les transformations des entreprises. Elle propose une nouvelle vision de l'entreprise post-industrielle, comme une organisation qui est plus flexible, avec relativement peu de niveau hiérarchique formel, des frontières floues entre les unités, cette entreprise est adaptable à tous les changements de l'environnement, elle est soucieuse de ses parties prenantes, aussi bien de ses salariés que ses clients, ses fournisseurs ou ses actionnaires. Une telle entreprise est en mesure de permettre aux personnes qu'elles emploient, de prendre des initiatives et de les aider à améliorer leur employabilité. Bien sûr pour arriver à ce type d'organisation, il est important que les entreprises s'engagent dans des changements majeurs. Son modèle de roue du changement est donc un moyen pour ces entreprises d'atteindre cet objectif. Mais pour comprendre comment Kanter en est arrivée à proposer cette roue du changement, 2 ingrédients sont essentiels. Le premier concerne les résistances au changement. Kanter considère que les personnes résistent au changement pour des motifs naturels et prévisibles, comme par exemple la peur de perdre le contrôle, l'incertitude quant aux issues du changement, ou encore parce qu'elles estiment manquer d'information quant au motif du changement, à cause de la confusion qui apparaît lorsque trop de changements sont conduits simultanément et viennent ainsi rompre les habitudes et les routines, ou encore pour ne pas avoir à perdre la face ou apparaître stupide lorsque les changements engagés viennent remettre en cause ce qu'elles faisaient précédemment. Pour Kanter, ces résistances au changement apparaissent de façon plus marquée, lorsque le changement n'est pas pris en compte par les managers. En effet, et c'est le deuxième ingrédient de la réflexion de Kanter, les managers ont un rôle central à jouer au cours des processus de changement, notamment pour réduire les résistances. Pour autant, comme le souligne Kanter, de nombreux managers assument leurs tâches sans être préparés à être agents du changement. Elle propose donc à ces managers de suivre à certain nombre de principes fondamentaux, pour développer la motivation et l'implication de leurs collaborateurs dans la mise en œuvre du changement. Parmi ces principes, on retrouve des choses assez simples, telles que souligner les succès plutôt que les échecs, reconnaître et récompenser personnellement le travail réalisé par les personnes et ce publiquement afin d'en augmenter l'impact, veiller à établir un lien clair et non ambigu entre les réalisations et les récompenses, afin que les personnes comprennent pourquoi elles sont récompensées et sur la base de quels critères, reconnaître les reconnaissants, c'est-à-dire reconnaître les personnes qui mettent en avant la contribution des autres au succès de l'entreprise. Si ces principes visent avant tout à motiver et à impliquer les personnes, ils peuvent avoir d'autres effets, comme par exemple la stimulation de l'innovation, le développement des compétences individuelles, la transparence et l'honnêteté dans la relation. Si le rôle des managers est essentiel dans la réussite des projets de changement, Kanter pense également qu'ils ne sont pas les seuls à y contribuer. Elle estime que le leader du changement est lui aussi central dans ce type de projet. Et si ses convictions et la passion qu'il porte pour les projets sont essentielles pour mobiliser les individus, elles ne sont pas suffisantes pour garantir la progression du changement. À ce niveau, le leader doit travailler en étroite collaboration avec les managers, chargés d'accompagner le changement au quotidien. Cette étroite collaboration se construit autour du soutien que le leader peut apporter au manager, par exemple en les formant à l'accompagnement au changement, en mettant à leur disposition des ressources et des informations qui leur seront utiles au moment voulu, lors du processus de changement. Pour Kanter, une des erreurs classiques réalisées au cours des projets de changement, est que le leader s'investisse beaucoup au début du processus et le délaisse par la suite. Forte de ces réflexions autour des résistances et du rôle des managers et du leader, Kanter propose une méthode de conduite du changement qu'elle appelle la roue du changement. Cette roue présente le changement comme un processus continu, ayant ni début, ni fin, et qui peut être relancé à n'importe quel moment. Ainsi, à tout moment, tout processus terminé peut être susceptible d'être relancé par un nouveau processus. Aujourd'hui, la roue du changement qui est mobilisée dans de nombreux cabinets de conseil et entreprises, repose sur 10 leviers opérationnels. Le premier concerne le travail en commun. Ce travail permet aux acteurs du changement de partager leur vision de la réalité et d'en construire une commune. Le deuxième levier concerne la transmission régulière d'éléments d'appréciation sur l'avancement du projet, fondés sur des points de repères ou jalons. Le troisième levier a pour objet de mettre en place un système incitatif de reconnaissance et de contribution de chacun. Le quatrième levier vise à la mise en place de règles et de procédures pour homogénéiser les pratiques au sein de la nouvelle organisation. Le cinquième levier marque la volonté d'obtenir rapidement des progrès afin de marquer l'avancée du changement. Le sixième insiste sur le soutien inconditionnel des sponsors et des partisans du changement. Le septième levier met en avant la nécessité d'une communication forte accompagnée au sein de l'organisation d'échanges de pratiques, pour favoriser l'enrichissement mutuel. Le huitième concerne la mise en place d'un plan de formation pour accompagner les individus et les aider à acquérir les compétences nécessaires au sein de la nouvelle organisation. Ce plan concerne tout aussi bien la formation des managers que des personnels opérationnels. Le neuvième levier marque l'importance de proposer des symboles et des signaux qui éclairent le changement. Le dixième et dernier levier concerne l'instauration d'un contrôle et d'un processus de suivi du changement. Ce sont ces 10 leviers qui composent la roue du changement. Ils s'organisent de façon chronologique dans une suite d'étapes, commençant par le travail en commun et se terminant par le contrôle. Kanter enrichit cette roue en s'intéressant à des dispositifs très complets à mettre en place pour réussir les changements, elle s'interroge alors sur l'intérêt qu'ont les managers à developper le travail en équipe. Contrairement aux idées défendues dans de nombreuses organisations modernes, elle relativise ainsi l'importance du travail en équipe comme étant l'outil qui permettrait à chaque individu de se développer de façon optimale. Au contraire, elle suggère que tous les projets et les tâches ne sont pas nécessairement adaptés à un travail en équipe et que certaines d'entre elles devraient être prises en charge par un travail individuel. Ainsi pour Kanter, il est important de développer à la fois le travail en équipe et le travail individuel, en appliquant les modes de fonctionnement de grands chefs d'orchestre. En effet, dans un orchestre, le travail individuel et le travail en équipe constituent 2 axes importants pour développer une musique harmonieuse. Kanter revient régulièrement sur l'analogie avec le chef d'orchestre, en considérant le manager comme un chef d'organisation, qui conduit un orchestre opérationnel où tous les musiciens viennent ensemble pour produire des résultats collectifs et pour remplir leurs objectifs individuels. Pour conclure, les travaux de Kanter contribuent nettement à améliorer la compréhension du changement organisationnel. Son approche pragmatique permet de dégager des conseils, des étapes et des principes qui vont être utiles lors de la conduite des changements. Chaque agent de changement peut ainsi trouver dans ses travaux, une source d'inspiration. Il apprendra à devenir un leader orienté relation, ouvert aux approches collaboratives et individuelles, et qui consacre du temps à célébrer les réussites et à les récompenser. [MUSIQUE] [MUSIQUE]