[MUSIQUE] Dans cette série de vidéos, nous partons à la découverte de chacune de ces 12 cases pour vous expliquer comment utiliser le DMC. À ce stade, il est important de rappeler que le DMC s'aborde en trois temps. Tout d'abord, il y a la partie de gauche qui consiste à poser tout ce que l'on sait sur son projet. Ensuite vient un temps d'exploration et enfin la partie droite de l'outil qui permet entre autres d'analyser les résultats de ces explorations. Dans l'épisode précédent, nous avons abordé la septième case qui demandait de tirer des conclusions sur nos études. Valérie, Thomas, pouvez-vous nous dire maintenant où se situe la huitième case et quels sujets aborde-t-elle? >> La huitième case est ici. Elle fait le point sur les apprentissages que vous avez tirés sur les angles morts de votre projet grâce à vos explorations. La question qui vous est posée est très simple. Qu'est-ce que vos explorations vous ont permis d'apprendre vis-à-vis des sujets que vous avez préalablement définis comme inconnus pour vous? J'attire votre attention pour dire que cette case est importante et pour le dire de manière imagée, c'est un peu la cas interrupteur du DMC. C'est celle qui doit vous permettre d'allumer la lumière dans la boîte noire qui est devant votre projet. Rappelez-vous. Vous saviez que vous ne saviez pas des choses par rapport à votre projet, vous nous l'avez signalé dans la troisième case du DMC. Vous avez donc fait des explorations pour savoir et maintenant, on vous demande de dire ce que vous avez appris sur ce que vous avez dit ne pas savoir. Vous allumez donc la boîte noire. >> La subtilité ici se situe au niveau de la posture que vous devez adopter pour être certain de tirer les bonnes conclusions de vos explorations. Il faut vous assurer de regarder les résultats de vos explorations avec les lunettes de ceux qui vivent en Extrémistan et non pas avec les lunettes de ceux qui vivent au Médiocristan. Je m'explique. [MUSIQUE] L'Extrémistan et le Médiocristan, ce sont deux pays imaginaires qui ont été décrits par Nassim Taleb dans son best-seller qui a pour titre le cygne noir. Nassim Taleb est professeur à la New York University et travaille depuis plus de 20 ans sur le concept d'incertitude. Dans son livre, il décrit deux mondes : le Médiocristan et l'Extrémistan. Le Médiocristan, c'est un monde où tous les événements suivent une loi Gaussienne, c'est-à-dire une fonction où la plupart des valeurs sont concentrées au même endroit. C'est donc un monde stable, ce qui a pour effet de rendre le futur relativement prévisible. Pour avoir une perception assez juste de ce qui risque d'advenir, il suffit d'observer les séries statistiques accumulées dans le passé et de les prolonger. Au Médiocristan, comme dirait Victor Hugo, l'avenir est une porte et le passé en est la clé. >> En Extrémistan en revanche, rien n'est prévisible parce que des événements improbables surviennent régulièrement et changent tout à l'environnement. Ces événements extrêmes sont à la fois extraordinairement difficiles à prévoir parce qu'ils ne suivent aucune loi statistique connue, et pourtant ils bouleversent tout lorsqu'ils surviennent. >> Quand on vous invite à chausser les lunettes des habitants de l'Extrémistan plutôt que celles des habitants du Médiocristan, c'est une façon pour nous de vous dire de porter une grande attention aux détails a priori insignifiants car le futur peut être bouleversé par un événement qui apparaît peu probable aujourd'hui. Les découvertes les plus intéressantes sont rarement celles qui viennent prolonger le passé. Autrement dit, il faut que vous soyez ouvert à ce que Nassim Taleb appelle les cygnes noirs. [MUSIQUE] >> J'imagine que comme la plupart des gens, vous pensez que les cygnes sont blancs parce que vous n'en avez jamais vu des noirs. Pourtant, sachez que certains cygnes localisés en Australie tout particulièrement sont noirs. Donc le jour où vous l'apprenez, et là c'est maintenant puisque pour vous, vous venez juste de l'apprendre, c'est moi qui vient de vous le dire, votre regard est changé sur le monde. D'ailleurs, si vous intégrez pleinement l'information que je viens de vous donner, le comportement humain est fait de telle sorte qu'il est très probable que vous rationnaliserez a posteriori cette information. Cela veut dire que dans quelques temps, vous allez vous raconter des histoires en quelque sorte et vous allez vous dire que vous avez toujours su qu'il existait des cygnes noirs, alors que c'est faux puisque c'est moi qui vient de vous l'apprendre il y a exactement 30 secondes. >> Un cygne noir, tel que le définit Nassim Taleb, c'est donc un événement improbable initialement, mais qui change tout lorsqu'il survient et qui fait souvent l'objet d'une rationalisation a posteriori. Si vous regardez correctement le passé, et si vous regardez même les événements qui ont marqué votre vie, vous pourrez remarquer que l'histoire et votre histoire est pavée de cygnes noirs. Lorsque vous menez un projet dans l'incertain, il faut absolument que vous soyez conscient que la boîte noire et le futur proche qui sont devant vous sont potentiellement remplis de cygnes noirs en formation. Dans le cadre de vos explorations, vous avez donc peut-être croisé des cygnes qui se révéleront être noirs, mais si vous pensez que le monde ressemble au Médiocristan, vous n'y avez pas fait attention. En revanche, si vous êtes conscient de l'existence fréquente de cygnes noirs, et que vous pensez que le monde est régi par les règles qui prévalent en Extrémistan, alors vous allez porter un regard nouveau sur vos explorations et en tirer des enseignements beaucoup plus riches. >> Autrement dit, vos apprentissages sur les angles morts ne doivent pas se fonder sur les informations les plus intuitives et les plus évidentes. Pour apprendre pleinement sur les angles morts de votre projet, vous devez rester ouvert aux informations improbables. Il faut en quelque sorte élargir votre chant de vision et prendre en considération toutes ces petites choses, ces signes faibles que vous avez croisés lors de vos explorations pour en tirer des enseignements. Nous vous encourageons vraiment à faire ce décentrage parce que si vous ne le faites pas, vous pourriez vous brûler les ailes et être victime évidemment, vous avez compris la métaphore, du paradoxe d'Icare. [MUSIQUE] Le paradoxe d'Icare, c'est un paradoxe qui est assez connu en sciences de gestion. Sachez qu'on doit son énoncé à l'un des chercheurs les plus reconnus en management qui s'appelle Danny Miller. Ce chercheur, il a écrit un ouvrage qui a été publié en 1990. Le titre, c'est The Icarus Paradox: how exceptional companies bring about their own downfall. Ce qui veut dire qu'il nous explique et il le dit avec un jeu de mots assez sympa. Il dit que les entreprises se tuent à réussir. Alors, il nous dit qu'en gros, lorsqu'une entreprise réussit, elle a souvent tendance à croire qu'elle a trouvé la formule gagnante, précisément parce qu'elle a réussi. Du coup, elle se dit, comme j'ai trouvé la formule gagnante, je vais me spécialiser, et donc elle se spécialise parce qu'elle pense que c'est en se spécialisant qu'elle rendra encore plus efficace sa formule gagnante. Elle va donc se séparer de toutes les ressources et de toutes les compétences qui ne concourent pas à l'exécution de cette formule gagnante. Et d'ailleurs, vous remarquerez qu'à court terme, l'environnement et les résultats confortent l'entreprise dans ce choix puisque la méthode continue de fonctionner à court terme. >> Malheureusement, le jour où l'environnement change, quelle qu'en soit la raison, c'est là que vous vous apercevez que vous vous êtes trop spécialisé, que vous êtes devenu expert, un expert certes, mais un expert de ce qui ne marche plus. Vous ne possédez plus les compétences et les ressources requises pour changer de voie. Vous vous êtes donc brûlé les ailes comme Icare et vous n'arrivez plus à innover. À noter que cette analyse est une des plus convaincantes qui existe aujourd'hui pour expliquer pourquoi des entreprises historiques qui ont remporté des succès avant l'émergence d'Internet montrent tant de difficultés à innover avec le numérique. Dans cette huitième case du DMC, vous devez donc rester ouvert aux cygnes noirs. Lorsque vous faites le point sur ce que les explorations vous ont appris à propos de vos angles morts, et tout particulièrement si vous portez votre projet au sein d'un grand groupe, car c'est la bonne posture d'analyse pour éviter le piège du paradoxe d'Icare. >> Pour résumer, il faut donc regarder son environnement avec beaucoup d'horizontalité et un large spectre. Il ne faut pas conduire son projet dans l'incertain dans une perspective de prolongation exclusive de ce qui semblait marcher dans les périodes récentes. Ne rien perdre de vue pour éviter le paradoxe d'Icare, mais aussi pour éviter d'être pris à défaut si un cygne noir survient. Maintenant que vous avez compris tous les concepts cachés derrière cette huitième case, il est temps de passer en mode atelier et de mettre en pratique ce que vous avez appris. [MUSIQUE] >> Commençons par rappeler où nous en sommes. Notre projet consistait initialement à concevoir des vidéos sur le thème de la prise de décision dans l'incertain. Dans la partie gauche du DMC, nous avons entre autres mis en avant un angle mort sur notre projet qui était l'état de la concurrence. Nous ne savions pas si nous avions des concurrents sur ce projet. Nous avons donc procédé à deux explorations. Un benchmark des plates-formes de diffusion de vidéos pour les professionnels sur YouTube, Coursera, LinkedIn Learning ainsi qu'un coup de téléphone à l'une de nos connaissances, Maxime, qui connaît très bien le sujet. et notre intention était de recueillir auprès de lui son avis sur notre projet. Après avoir réalisé nos deux explorations, on est revenu sur le DMC et on a fait un point sur nos certitudes. Nous sommes certains que notre budget restera fixe. En revanche, on a fait évoluer notre certitude relative au thème des vidéos. On pense toujours que le thème de la prise de décision dans l'incertain est attractif pour les professionnels. Mais le format vidéo n'est sans doute pas le véhicule le plus approprié pour toucher un public pro. Notre certitude n'est donc plus que le thème de la prise de décision dans l'incertain serait bon pour faire des vidéos, mais que le thème de la prise de décision dans l'incertain serait bon pour faire quelque chose encore indéfini à ce stade pour les professionnels. >> Comme nous devons maintenant remplir la huitième case du DMC consacrée à nos découvertes sur nos angles morts, il est temps de se pencher sur ce que nos explorations nous ont appris, relativement à l'état de la concurrence et sur notre projet. En benchmarkant les plates-formes de diffusion de contenus à destination des professionnels d'un côté et en appelant Maxime de l'autre, on s'est vite aperçu de plusieurs choses concernant la concurrence à laquelle est soumis notre projet. Il existe déjà beaucoup de contenus de grande qualité principalement en anglais. Pour autant, ces vidéos ne récoltent pas beaucoup d'audience. Quelques dizaines de milliers de vues le plus souvent. Il n'y a aucun leader d'opinion, autrement dit l'audience est atomisée. Les vidéos proposent toujours une approche monodisciplinaire. Certaines vidéos se saisissent du sujet avec une approche économique, d'autres avec une approche psychologique, d'autres dans une approche philosophique, d'autres enfin dans une approche de motivation ou de questions de leadership, mais aucun contenu n'est pluridisciplinaire et personne ne semble proposer une perspective holistique de la question de la prise de décision en incertain. >> Comme on l'a vu précédemment, on ne doit pas oublier de décentrer notre regard pour être ouvert aux éventuels cygnes noirs devant lesquels on est susceptible d'être passé pendant nos explorations. Pour le dire autrement, on cherche un sentiment plus général ou une intuition sur quelque chose qui ne s'est pas encore produit qui ne serait pas le prolongement du passé mais qui pourrait tout changer. >> Dans notre cas, cette intuition n'est pas sur le contenu des vidéos consacrées à la prise de décision dans l'incertain. Elle est plutôt sur les usages qui sont faits de ces contenus. Les vidéos telles qu'on les a imaginées initialement n'ont pas une portée opératoire. Elles ne nous semblent pas pouvoir être actionnées par les praticiens. Les contenus sont très généraux et ressemblent plus à des cours qui ne peuvent pas facilement être mis en pratique par les professionnels. Par ailleurs, le fait d'avoir des contenus sous forme de vidéos semble restreindre le public adressé. Le médium vidéo a du mal à atteindre les professionnels. Et cela peut s'expliquer par leurs habitudes de consommation et leurs usages. Les professionnels n'ont pas un temps libre infini devant leurs écrans et quand ils sont devant leurs ordinateurs, ils sont le plus souvent mobilisés par des tâches opérationnelles. Leur consommation de contenus si elle n'est pas sur des thèmes en lien avec leurs divertissements se produit donc pendant leurs temps morts, c'est-à-dire principalement pendant les temps de transport et en mobilité. Ces usages devraient nous orienter vers une stratégie de diffusion omnicanale en considérant le podcast et la plate-forme Linkedin comme des supports beaucoup plus intéressants, et donc on peut le noter ainsi dans le DMC. [MUSIQUE] >> Voilà qui clôt cet épisode sur la huitième case du DMC, la case découverte sur les angles morts. Dans le prochain pisode, nous aborderons en détail la neuvième case dédiée aux changements que vous allez être amenés à réaliser sur votre projet. [MUSIQUE] [MUSIQUE]