[MUSIQUE] Dans cette série de vidéos, nous partons à la découverte de chacune de ces 12 cases pour vous expliquer comment utiliser le DMC. À ce stade, nous avons vu que pour mener un projet dans un contexte imprévisible, il est important de vous poser des questions sur les objectifs et les valeurs de votre projet, sur vos certitudes et vos angles morts ainsi que sur les explorations que vous êtes prêt à réaliser pour progresser. Dans l'épisode précédent, nous avons discuté de la cinquième case de l'outil dans laquelle vous êtes amené à définir vos attentes vis-à-vis de ces explorations ainsi que les métriques qui vous permettront de savoir si vos attentes sont satisfaites ou pas. Valérie, Thomas, pouvez-vous maintenant nous dire où se situe la sixième case du DMC et quelle est sa signification? >> La sixième étape dans votre processus cognitif, soit la sixième case du DMC aborde un sujet extrêmement simple puisqu'elle interroge le porteur du projet sur son agenda. Elle l'invite à prendre date sur les explorations qu'il s'est engagé à réaliser et à fixer une deadline à celle-ci. Arrêtons-nous sur cette question de temporalité. >> L'échéance choisie par le porteur de projet sur ses explorations va en fait révéler sa posture. En regardant les dates butoirs que le porteur de projet s'est fixées sur ses explorations, on va savoir s'il perçoit le DMC comme un outil de problem design ou au contraire comme un outil de problem solving. Si les échéances sont lointaines, il est fort probable que le porteur de projet s'inscrit dans une logique analytique qui n'est pas vraiment la bonne. Il va vouloir définir le problème en des termes bien précis, il va sans doute décortiquer les sujets de manière logique. Il pourrait même être tenté de tout modéliser, alors que ce n'est pas l'esprit du DMC. L'esprit du DMC, c'est d'engager le porteur de projet dans un chemin qui l'amène à découvrir et à résoudre les problèmes, pas à les penser ou à les designer. Par ailleurs, si les dates butoirs des explorations sont trop éloignées. C'est probablement aussi parce que le porteur de projet a surdimensionné ses explorations qui sont quasiment devenues des axes de recherche au long cours. Les dates butoirs associées à chacune des explorations doivent donc être rapprochées pour faire du DMC u outil de problem solving et surtout pas un outil de problem design. >> Le rythme est une variable clé en management tant il est révélateur de la rationalité des individus. On vient de le discuter sur la tension qui peut exister entre un outil au service du problem design et un outil au service du problem solving. Mais le rythme nous dit aussi si le porteur du projet est en train d'utiliser le DMC comme un outil de gestion ou bien comme un outil d'apprentissage. La distinction entre ces deux catégories d'outils a fait l'objet de beaucoup de travaux de recherche malheureusement peu connus du monde professionnel. Pour simplifier l'analyse et vous faire ressentir ce qui distingue un outil d'apprentissage d'un outil de gestion, il suffit de vous poser une question simple. Est-ce que vous utilisez l'outil pour vous améliorer ou au contraire, est-ce que vous tentez de vous améliorer pour utiliser l'outil. Si vous tentez de vous améliorer pour utiliser l'outil, alors c'est un outil de gestion. Si au contraire, vous utilisez l'outil pour vous améliorer, alors c'est un outil d'apprentissage. >> Vous l'avez compris, le DMC est un outil d'apprentisage. Il faut donc que vous l'utilisiez et que vous le remplissiez dans le but de vous améliorer. Améliorer vos connaissances sur vous, sur votre projet, mais aussi sur l'environnement dans lequel navigue votre projet. Il ne faut surtout pas que vous cherchiez à faire l'inverse et donc que vous cherchiez à vous améliorer pour remplir chacune des cases du DMC. >> Enfin, le rythme des explorations nous dit aussi si le porteur du projet est impliqué dans son projet ou s'il est simplement en train d'y participer. Il y a une grosse différence entre les deux concepts. Prenons un exemple simple pour illustrer cette différence. >> L'omelette aux lardons. Alors, cela peut vous paraître complètement hors-sujet, mais vous allez vite comprendre. Si vous considérez une omelette aux lardons, sachez que la poule, elle a simplement participé puisqu'elle s'est contentée d'offrir un oeuf alors que le cochon lui, il s'est impliqué puisque le cochon, il a littéralement donné une partie de lui-même. Il y a donc une vraie différence entre participer et être impliqué. Alors, plaisanterie mise à part, retenez simplement que l'implication renvoie à un niveau d'engagement beaucoup plus fort que la participation. Choisir des dates butoirs à brève échéance est une forme de garantie sur le niveau d'engagement du porteur de projet. En rapprochant les dates butoirs de ses explorations, le porteur de projet va davantage être impliqué par le projet. Il va être pleinement engagé. Et inversement, si les dates butoirs sont trop éloignées, il se peut que le porteur de projet soit simplement en train de participer à son propre projet sans vraiment être impliqué. >> Donc pour résumer, il faut que la date soit proche pour s'assurer de faire du DMC un outil de problem solving, un outil d'apprentissage et un outil qui implique. Et il faut éviter les dates trop éloignées, sinon on risque de faire du DMC un outil de problem design, un outil de gestion et un outil qui se contente de nous faire participer. >> C'est exactement cela. Et si vous m'autorisez juste à être un peu plus subtil sur ce choix des deadlines, je voudrais ajouter une dimension supplémentaire. Oui c'est vrai, il faut choisir une date proche. Mais par contre, ce n'est pas seulement parce que le guide des bonnes pratiques du DMC vous y invite parce que si vous faites cela, sans doute que vous sous-estimez la dimension stratégique associée au choix d'un calendrier. Vous considérez que la date doit être proche parce que c'est la logique imposée par une utilisation correcte du DMC alors qu'en fait, c'est presque l'inverse. Il faut que vous choisissiez une date proche pour vous obliger vous-même à bien utiliser le DMC, pour vous assurer de ne pas tordre l'outil comme un outil de gestion, comme un outil de problem design, ou comme un outil qui ne fait simplement que faire participer les porteurs de projet. Le choix de la date est donc stratégique. L'idée est qu'il faut que vous vous imposiez à vous même de placer des dates proches pour vous offrir une garantie supplémentaire sur le fait de bien utiliser le DMC comme un outil d'apprentissage, comme un outil de problem solving et comme un outil d'implication. Tout cela n'est sans doute pas très facile à comprendre, je le reconnais. On va donc s'autoriser un petit détour par la théorie des jeux pour vous expliquer la différence entre une approche stratégique et une approche logique dans le choix du calendrier. >> Le film, Un homme d'exception, réalisé par Ron Howard en 2001 a permis de faire connaître au grand public ce que l'on appelle la théorie des jeux. Le film relate la vie de John Nash, un mathématicien également économiste et qui a reçu le prix Nobel en 1994. Nash est reconnu comme le créateur de la théorie des jeux qui permet de modéliser les interactions entre agents. Cela permet par exemple de répondre à des questions du type, si je sais que tu sais que je sais ce que tu sais, alors on fait quoi? Lorsque l'on enseigne la théorie des jeux, l'un des premiers exemples que l'on prend, c'est celui du dilemme du prisonnier. On va ici l'expliquer rapidement et l'appliquer ensuite au cas du choix de la deadline dans le DMC. [MUSIQUE] L'énoncé du dilemme du prisonnier est assez simple. Deux individus que nous appellerons A et B ont commis un délit ensemble. Les policiers les interceptent, les isolent dans des salles différentes et les interrogent. A et B ont chacun la même alternative. Soit ils dénoncent leur camarade, soit ils se taisent. Les policiers les informent de ce que l'on pourrait appeler là le menu de peine associé à leur décision. Le voici. Le tableau se lit avec les peines de A à gauche de la virgule et les peines de B à droite de la virgule. Et les peines sont exprimées en années de prison. Vous constatez que si A dénonce son camarade d'infortune alors que celui-ci se tait, A est libre et B écope de 10 ans de prison. En théorie des jeux, on dirait que le jeu est parfaitement symétrique car si c'est B qui dénonce alors A se tait, c'est B qui est libre et c'est A qui écope de 10 ans de prison. Si les deux se taisent, la peine est d'un an de prison pour chacun, et si les deux se dénoncent mutuellement, la peine est de 5 ans de prison pour chacun également. Comme A et B sont des agents supposés rationnels, on admet dans cette situation qu'ils vont se dénoncer mutuellement parce qu'ils y ont intérêt. Regardez, en tant que A, quel que soit le choix de B, j'y ai intérêt à le dénoncer. Dans le cas où B m'a dénoncé, je préfère écoper de 5 ans de prison que de 10. Et dans le cas où B s'est tu, je préfère être libre que d'être emprisonné un an. Mon intérêt en tant que A est donc de dénoncer B. Le jeu est parfaitement symétrique, le même raisonnement s'applique pour B qui a donc intérêt à dénoncer A. Par conséquent, quelle que soit la décision de l'autre, chacun a intérêt à dénoncer son camarade. C'est ce que l'on appelle une stratégie dominante qui fait tomber les deux camarades dans ce qu'on qualifie d'équilibre de Nash. >> Mais observez que la situation dans laquelle les deux délinquants se trouvent n'est pas optimale. Ils vont tous les deux écoper de cinq ans de prison chacun alors qu'ils pourraient se mettre d'accord et n'être condamnés qu'à un an de prison. Du coup, il est intéressant de se demander comment A et B pourraient sortir de cet équilibre sous-optimal pour arriver à un équilibre qui les arrangerait collectivement qui est celui où ils prennent chacun un an de prison. Alors si vous pensez que la confiance que les auteurs du délit pourraient avoir l'un envers l'autre est une solution, sachez que ce n'est pas la bonne. La confiance, cela ne se décrète pas. Et d'ailleurs, on observe en général que la confiance se défait à partir du moment où on parle d'années de prison. Il n'y a en réalité que deux solutions dans cette configuration pour atteindre l'équilibre optimal. La première solution, c'est de changer le menu de peine de telle sorte que la rationalité des agents les pousse à se taire. Mais les délinquants ils n'ont pas généralement la main sur le menu de peine qui leur est proposé lorsqu'ils commettent un délit, cette solution ne dépend donc pas d'eux. Les délinquants ont en revanche la main sur la deuxième solution. Cette deuxième solution, elle consiste à démontrer à votre camarade en amont du délit qu'il vous sera matériellement impossible de le dénoncer dans le cas où vous vous faites prendre par la police après le méfait. Si vous vous liez les mains, c'est-à-dire que si vous trouvez en amont de la commission du délit une façon de vous mettre en position de ne plus pouvoir quoi qu'il arrive dénoncer votre camarade ex post, alors c'est la seule garantie qui vous assure que vous allez vous taire quoi qu'il arrive, non pas parce que c'est votre choix, mais parce que vous ne pouvez pas faire autrement. C'est ce qu'on appelle une menace crédible en théorie des jeux. >> Si vous avez compris ce raisonnement issu de la théorie des jeux, vous avez saisi l'idée derrière le choix de la deadline pour l'exécution de vos explorations. Ne choisissez pas une date proche parce que vous avez compris qu'il fallait en choisir une proche pour utiliser le DMC autrement, imposez-vous à vous-même une date proche sous forme de menace crédible pour ne pas pouvoir faire autrement que d'utiliser le DMC dans le bon sens. >> C'est on ne peut plus clair. Maintenant que vous avez compris tous les concepts cachés derrière cette sixième case, il est temps de passer en mode atelier et de mettre en pratique ce que vous avez appris. [MUSIQUE] >> Pour commencer, rappelons l'exemple que nous utilisons depuis le début et résumons les choix déjà faits dans les cases précédentes. Nous lançons un projet de vidéos sur l'incertain, les vidéos que vous êtes en train de regarder. Nos deux objectifs, c'est de faire des vidéos de grande qualité et des vidéos massivement vues. Nos certitudes, c'est que le sujet de la prise de décision en incertain plaira aux professionnels et que notre projet sera porté dans une logique de conception à coût objectif. Notre angle mort, c'est l'état de la concurrence sur ce genre de vidéos. Nos explorations sont d'abord d'appeler l'une de nos connaissances, Maxime, puis d'aller benchmarker les plates-formes de diffusion de contenu à coloration pédagogique pour professionnels. Notre attente pour le coup de téléphone à Maxime, c'est qu'il nous apporte des idées nouvelles sur les fonctionnalités du produit. D'ailleurs, nous avons retenu le nombre d'idées nouvelles récoltées sur les fonctionnalités du produit comme métrique d'évaluation de cette exploration. Enfin, notre attente concernant le benchmark des plates-formes est de savoir comment positionner nos vidéos dans l'univers de ce qui existe. L'indicateur retenu sur cette exploration, c'est celui du nombre d'idées que nous obtiendrons relativement au marché à adresser. C'est-à-dire les plates-formes sur lesquelles on doit aller ou au contraire celles que l'on doit éviter, etc. >> Dans cette sixième case, on doit donc définir une deadline pour ces deux explorations. On propose d'examiner les plates-formes mardi prochain et d'appeler Maxime mercredi. Alors, on n'a pas besoin de vérifier si on a quelque chose de prévu à ces dates parce qu'on va s'appliquer le concept de la menace crédible. On va donc se mettre dans une situation où l'on ne peut pas faire autrement que de faire ces petites actions d'exploration très rapidement. >> Voilà qui clôt cet épisode sur la sixième case du DMC, la case Agenda. Dans le prochain épisode, nous aborderons en détail la septième case dédiée aux découvertes sur vos certitudes obtenues lors de vos explorations. [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE]