[MUSIQUE] Dans cette série de vidéos, nous partons à la découverte de chacune de ces 12 cases pour vous expliquer comment utiliser le DMC. À ce stade, nous avons vu que pour mener un projet dans un contexte imprévisible, il est important de vous poser des questions sur les objectifs et les valeurs de votre projet, sur vos certitudes et vos angles morts ainsi que sur les explorations que vous êtes prêt à réaliser pour progresser. Chacun de ces éléments correspond aux quatre premières cases du DMC. Valérie, Thomas, pouvez-vous maintenant nous dire où se situe la cinquième case du DMC et quelle est sa signification? >> La cinquième case du DMC est ici. Elle vous questionne sur les attentes que vous pouvez légitimement exprimer par rapport aux explorations que vous avez dit vouloir mener. Autrement dit, vous allez devoir répondre à la question très simple, qu'attendez-vous des petites actions que vous vous êtes engagé à réaliser dans la case précédente du DMC? Si vous regardez la case, vous avez sans doute remarqué que cette cinquième case du DMC est séparé en deux. C'est parce que cette case ne se contente pas seulement de vous interroger sur vos attentes par rapport à vos explorations, elle vous demande aussi comment vous allez vous assurer que ces attentes ont été comblées ou pas. Autrement dit, quelles métriques vous allez mettre en place pour être certain que vos attentes ont été satisfaites? Sur un plan pratique, vous écrivez donc ici vos attentes et là les indicateurs que vous envisagez de considérer pour savoir si vos actions d'exploration ont satisfait vos attentes. >> Je me permets d'ajouter une remarque pour les plus puristes d'entre vous. Vous remarquerez que dans votre démarche d'analyse, nous vous demandons de réfléchir aux actions de recherche que vous envisagez de réaliser, donc dans l'étape précédente consacrée aux explorations, avant de dire pourquoi vous le faites, c'est-à-dire ce que vous en attendez. C'est à dessein que nous avons ordonné ainsi votre démarche de réflexion, afin de vous inviter, de vous forcer à être effectual, c'est-à-dire à ne pas trop prédéfinir vos objectifs. Nous vous invitons à adopter une posture de quête, d'exploration, au résultat potentiellement inattendu. J'en profite également pour rappeler que la démarche d'analyse que nous vous proposons, donc le DMC, c'est un outil d'apprentissage à plusieurs niveaux, apprentissage sur vous, apprentissage sur votre projet et apprentissage sur l'environnement de celui-ci. L'enjeu sera donc d'évaluer ces apprentissages et de s'assurer qu'ils ont bien eu lieu, d'examiner si vos attentes qui sont toujours par définition reliées à un nouveau savoir sur l'incertain ont été comblées ou pas par vos explorations. C'est dans cette optique que nous avons choisi de lier la question des attentes à celle des métriques. L'enjeu là, est de vérifier que chaque action d'exploration vous a bien permis les apprentissages attendus. >> Lorsque l'on entreprend une action, il est souvent bon de ne pas simplement la réaliser, mais aussi de penser à la manière dont on va l'évaluer pour savoir si elle a produit des résultats. Pour s'en souvenir, on peut citer l'un des plus illustres théoriciens sur la notion de qualité en entreprise, c'est Edwards Deming. Il a cité une phrase qui est restée célèbre, que vous avez déjà peut-être entendue. Il a dit, ce qui ne se mesure pas ne s'améliore pas. Dans le cadre du DMC, c'est-à-dire dans le cadre d'un projet dans l'incertain, cette phrase est vraiment pertinente parce qu'il est essentiel d'évaluer ses apprentissages pour les rendre pérennes. Notez que dans l'incertain on ne sait pas grand-chose. Donc, il va falloir strictement évaluer ce que l'on apprend quand on l'apprend et ce qu'on apprend pas quand on ne l'apprend pas. L'idée derrière c'est de laisser en quelque sorte la lumière allumée après qu'on soit passé en un endroit de la boîte noire dans laquelle on évolue ou dans la boîte noire devant laquelle on est. Pour autant, attention. Produire des évaluations n'est pas forcément une bonne idée en toutes circonstances. Ou plus exactement, si vous produisez des évaluations, alors il va falloir le faire correctement, c'est-à-dire qu'il va falloir éviter les pièges habituels dans lesquels on tombe et qui sont relatifs à l'utilisation des indicateurs. Parmi ces pièges, on peut en citer deux qui sont couramment observés dans les organisations. Le premier piège c'est de mettre en place des indicateurs qui n'ont aucun sens. Pour vous en souvenir, rappelez-vous de cette petite plaisanterie qui dit que quelqu'un qui a la tête dans le four et les pieds dans la glace pourrait très bien vous dire qu'en moyenne, la température est plutôt bonne. Il a deux problèmes, la tête dans le four et les pieds dans la glace, mais en moyenne on peut dire qu'il n'a pas de problème. Donc, vous voyez comment on peut truquer les métriques. Tout le monde le sait, mais répétons-le, ça va peut-être mieux en le disant, on peut à peu près tout faire dire aux chiffres. Edmund Husserl, qui est le père fondateur de la phénoménologie, il le disait avec ses mots quand il disait que les mathématiques sont les habits des idées. Vous pouvez vraiment tout faire dire aux chiffres. Et donc, votre première responsabilité, et on vous demande vraiment de l'appliquer dans le cadre du DMC, c'est de choisir des indicateurs qui veulent dire quelque chose au regard de ce que vous cherchez à mesurer avec ces indicateurs. >> Le deuxième piège relatif aux indicateurs c'est de transformer votre indicateur en objectif. Car si vous faites cela, vous tomberez inévitablement dans le piège de ce qu'on appelle la loi de Goodhart. [MUSIQUE] Charles Goodhart est un économiste qui nous appris une chose essentielle, « quand un indicateur devient un objectif, il ne peut plus être considéré comme fiable pour mesurer la tendance qu'il prétend évaluer. » Cette idée est très facile à comprendre à partir d'un exemple. Considérez par exemple que vous souhaitez évaluer le niveau de créativité et de dynamisme de vos équipes. Vous pouvez éventuellement retenir comme métrique le nombre de nouveaux projets ouverts par mois. Cette métrique vous permettra effectivement d'apprécier la créativité et le dynamisme de vos équipes, jusqu'à ce que vos employés ou vous-même transformiez cet indicateur en objectif. Si vos employés comprennent par exemple que leur prime de fin d'année dépend de cet indicateur, c'est-à-dire du nombre de projets qu'ils ouvrent, il y a fort à parier qu'ils en ouvriront des centaines, sans que leur dynamisme ou leur créativité ne soit réellement augmentée. Ils détourneront l'indicateur sans difficulté. C'est le destin promis à tous les indicateurs qui deviennent des objectifs, ils sont détournés et perdent de leur sens. À cette étape de votre démarche d'analyse, nous vous demandons de considérer les indicateurs que vous allez retenir comme des métriques au service de votre apprentissage dans l'incertain, des données pour vous-même, des données de pilotage au service de votre projet, et surtout pas des métriques qui serviraient en reporting pour rendre compte aux autres de votre niveau d'effort sur le projet, sinon l'indicateur ne voudra plus rien dire. >> Pour résumer, dans cette cinquième case du DMC, il faut indiquer vos attentes par rapport aux petites actions que vous vous êtes engagé à réaliser et aussi les indicateurs qui vous permettront d'évaluer si ces attentes ont été satisfaites ou pas. Ces indicateurs doivent pouvoir exprimer quelque chose d'utile et il ne faut pas transformer ces indicateurs en objectifs. Maintenant que vous avez compris tous les concepts cachés derrière cette cinquième case, il est de temps de passer en mode atelier et de mettre en pratique ce que vous avez appris. Commençons par résumer où nous en étions sur notre propre projet. Notre projet consiste à produire une série de vidéos sur le thème de la prise de décision dans l'incertain. Notre objectif c'est de faire des vidéos de qualité et des vidéos qui soient massivement regardées par les praticiens. La valeur derrière ce projet c'est celle de la vulgarisation du savoir scientifique. Nos certitudes c'est que le thème de ces vidéos plaira aux professionnels et que le budget pour réaliser ces vidéos est fixe. Nous n'avons pas d'informations sur l'état de la concurrence et nous avons décidé de faire deux explorations. D'abord nous allons appeler Maxime, qui est l'une de nos connaissances, pour connaître son avis sur notre projet, et puis nous allons aussi aller sur les différentes plateformes de contenus vidéo consultées par les professionnels. >> Pour remplir cette cinquième case du DMC, on va considérer ces deux explorations l'une après l'autre. Et pour commencer, l'appel téléphonique à Maxime. Alors, on pourrait simplement dire qu'on attend de ce coup de fil qu'il nous apprenne des choses que l'on ne sait pas. Mais il va falloir être plus précis que ça. L'une des règles tacites dans le DMC c'est que plus vous serez précis dans les informations que vous donnerez, plus vous forcerez votre réflexion et plus vous tirerez un bénéfice de cet outil. Justement, pour être précis, on aimerait avoir un avis détaillé de Maxime sur notre produit. On voudrait connaître son avis sur les fonctionnalités idéales de ce produit, les fonctionnalités susceptibles de plaire le plus aux professionnels et on peut le noter ainsi dans le DMC. Maintenant, il nous faut trouver un indicateur pour mesurer l'apport qu'aura eu ce coup de téléphone sur nos attentes, le nombre de nouvelles fonctionnalités qu'il nous propose et auxquelles nous n'avions pas déjà pensé est sans doute un très bon candidat. Cet indicateur renvoie directement à ce que nous cherchons à évaluer. Bien sûr, conformément à la loi de Goodhart, il serait assez facile de le détourner de son sens s'il devenait un objectif. Imaginons par exemple que Maxime nous suggère une grande fonctionnalité ambitieuse et assez lourde. Pour augmenter le nombre d'idées que Maxime nous a données, il suffirait juste de découper cette fonctionnalité ambitieuse en trois petites suggestions et le tour serait joué. Comme toujours, un tel indicateur pourrait être détourné. Mais tant que cet indicateur reste pour nous et ne devient pas une donnée qui soit à des fins de reporting, on est préservé de la loi de Goodhart et tout se passera bien. Je pense donc qu'on est bon pour cette première exploration. >> Notre seconde exploration c'est d'aller observer l'état de la concurrence sur toutes les plateformes de diffusion de contenus à destination des professionnels, c'est-à-dire Youtube, Coursera, LinkedIn. On aimerait avoir des idées sur la manière de positionner notre série de vidéos par rapport à celles qui existent déjà sur ces plateformes. Et on peut donc le noter tel quel dans le DMC. >> Et comme pour le coup de téléphone, on peut utiliser comme métrique associée à cette seconde attente le nombre d'idées de positionnement de notre produit obtenues suite à notre recherche sur les plateformes de diffusion, avec toujours la même recommandation, garder cet indicateur comme un proxy et ne surtout pas le transformer en objectif. >> Voilà qui clôt cet épisode sur la cinquième case du DMC, la case Attentes et métriques. Dans le prochain épisode, nous aborderons en détail la sixième case dédiée à l'agenda de vos explorations. [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE]