[MUSIQUE] Dans cette série de vidéos, nous partons à la découverte de chacune de ces 12 cases pour vous expliquer comment utiliser le DMC. Précédemment, nous avons abordé les trois premières cases du DMC : la première consacrée aux objectifs et aux valeurs du projet, la deuxième consacrée aux certitudes que l'on peut avoir, et la troisième, consacrée quant à elle aux différents angles morts que l'on observe. Valérie, Thomas, pouvez-vous maintenant nous dire où se situe la quatrième case du DMC et quelle est sa signification? >> La quatrième case du DMC est ici. Elle est consacrée aux explorations que vous vous engagez à réaliser pour éclaircir la boîte noire qui est devant votre projet. Ce qu'on appelle des explorations, ce sont des petites actions dont l'intention est d'apprendre quelque chose en lien direct avec votre projet. On a choisi d'appeler ces petites actions des explorations pour faire référence à deux grandes figures de la recherche en sciences sociales, immenses dans leur domaine. Le premier c'est Herbert Simon. [MUSIQUE] >> C'est en 1978 qu'Herbert Simon reçoit le prix Nobel d'économie pour ses travaux en rupture, sur la question de la rationalité des agents économiques. Et cette récompense est comme un pavé jeté dans la mare de l'orthodoxie académique. On peut illustrer la pensée d'Herbert Simon sur ce qu'est une démarche rationnelle de choix par un vers du poète espagnol Antonio Machado, qui dit en substance : « Promeneur, il n'y a pas de chemin. Le chemin se construit en marchant. » Car pour Herbert Simon, dans un environnement complexe et incertain, le futur ne se présente pas aux agents économiques comme un ensemble d'options qu'il suffit d'examiner minutieusement pour identifier celles qui constituent l'alternative optimale. Pour progresser au sein de la boîte noire qui vous entoure, l'enjeu n'est pas pour vous de chercher à traiter l'information publique le plus efficacement possible, avec une approche algorithmique ou computationnelle ; vous devez plutôt essayer de mieux comprendre, de découvrir l'univers qui vous entoure en explorant, en tâtonnant, en élargissant le champ des possibles pour avancer pas à pas, chemin faisant. >> En retenant le mot d'exploration, on a aussi voulu faire référence à James March. Lui, c'est aussi un chercheur très connu en sciences de gestion, et il a publié en 1991 un article dans une revue qui s'appelle Organization Science, et le titre de son article, c'était : Exploration and exploitation in organizational learning. Dans son article, James March interroge la capacité des entreprises à pouvoir simultanément entreprendre des actions pour explorer d'un côté, et pour exploiter de l'autre. Les explorations, ce qu'il appelle les explorations, renvoient à toutes les actions qui sont menées par l'entreprise pour découvrir des nouveaux procédés, ou des biens et des services innovants. Par opposition, la notion d'exploitation qualifie la trajectoire dans laquelle les entreprises se placent pour optimiser ce qu'elles ont déjà, pour optimiser l'existant. Dans cette quatrième case du DMC, vous allez le voir, on va aller à la recherche de quelque chose de nouveau par rapport à ce que l'on ne sait pas déjà. On a choisi ce terme parce qu'il correspond bien à l'esprit de cette case du DMC. On a aussi voulu faire référence à ces travaux de James March. >> Dans cette quatrième étape de votre processus de réflexion, cette quatrième case du DMC, il s'agit de réfléchir aux actions que vous vous engagez à réaliser pour recueillir davantage d'informations et réduire le champ de l'incertitude. Dans l'expression « petites actions », le qualificatif « petites » est très important. « Petites » doit s'entendre au sens de frugal, au sens d'actions réalisées dans des délais courts et sans coûts excessif. L'idée est donc bien d'avancer pas à pas chemin faisant, par de petites explorations. >> Nous savons que l'intérêt du DMC tient autant aux questions posées dans chacune des 12 cases qu'aux recommendations que vous nous faites pour bien répondre à ces questions. Quels conseils avez-vous donc à nous donner pour bien remplir cette quatrième case du DMC? >> Deux types d'explorations sont à réaliser sur votre projet. Le premier type regroupe celles consacrées aux angles morts de votre projet. >> Le second type d'exploration à réaliser sur votre projet est un peu plus difficile à comprendre et à mettre en place. Pour vous dire ce qu'il recouvre, laissez-moi juste vous raconter une petite anecdote qui m'est arrivée récemment. Lundi dernier, je suis sorti assez tard de chez moi. Et moi, je suis en lisière du bois de Vincennes, donc devant le bois, il fait assez noir. Et il se trouve que j'ai juste un lampadaire qui éclaire un bout de la rue. Et il se trouve que je vois mon voisin à ce moment-là qui est assez inquiet, et qui fait des allers-retours sur 15 mètres. Là, évidemment, je lui dis : « Ça va? Tout va bien? » Là, il dit : « Non, j'ai perdu mes clés. » Je lui dis : « Attendez, je vais vous aider à les retrouver. » Et juste pour être efficace dans mes recherches, je lui demande s'il les a bien perdues sous le lampadaire. Et là, il me répond : « Non, pas du tout, mais en fait, c'est le seul endroit qui est éclairé. » >> Il ne s'agit bien évidemment pas d'une histoire vraie, mais une fable connue sous le nom de syndrome du lampadaire. On fait souvent référence à cette histoire pour enjoindre celle ou celui à qui on la raconte de ne pas se contenter du chemin balisé, et l'inviter à regarder ailleurs. En fait, c'est ce message qu'on veut vous faire passer ici, pour que vous compreniez ce que recouvre la seconde catégorie d'explorations à réaliser sur votre projet. Il s'agit d'explorations originales, créatives, atypiques, contre-intuitives, celles qui vous apportent des informations qui ne sont pas sous la lumière du lampadaire. Les premiers types d'explorations visent à apprendre sur vos angles morts ces inconnues connues de votre projet, c'est-à-dire ce que vous savez ne pas savoir. La deuxième série d'explorations, plus créatives, originales, doivent vous permettre d'attraper les inconnues inconnues de votre projet, c'est-à-dire d'apprendre sur ce que vous ne savez pas ne pas savoir. >> En pratique, trouver les petites actions à réaliser pour réduire vos angles morts est plutôt simple et immédiat. En revanche, faire preuve de créativité pour aller chercher des informations que vous ne saviez pas ne pas savoir, c'est beaucoup plus compliqué, parce que vous allez devoir faire preuve de créativité, et la créativité c'est une matière assez complexe à manipuler. On n'est pas tous égaux devant la créativité. Certains ont une pensée plutôt convergente, et d'autres une pensée plutôt divergente. Pour vous faire un petit autodiagnostic rapide sur votre niveau de créativité, on va vous proposer deux petits tests assez simples et rigolos, qui sont fondés sur les travaux de Karl Duncker et Joy Paul Guilford, qui sont tous les deux des chercheurs en psychologie. [MUSIQUE] [MUSIQUE] >> Le test de Karl Duncker, développé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et qui est toujours pleinement d'actualité, est le suivant. Imaginez que l'on pose sur une table devant vous une bougie, une pochette d'alumettes et une boîte de punaises. Un tableau en liège est accroché sur le mur au-dessus de la table. Il vous est demandé d'allumer la bougie en la fixant au mur et de manière à ce que la cire ne tombe pas sur la table. Comment allez-vous faire? N'hésitez pas à mettre la vidéo sur pause si vous voulez prendre le temps de réfléchir et de vous autodiagnostiquer. Ce test cognitif met en avant ce que l'on appelle la pensée convergente. Si vous avez une pensée convergente affutée, vous avez sans doute pu résoudre cette énigme en proposant de vider la boîte de punaises, de fixer cette boîte avec quelques punaises sur le tableau en liège, de poser la bougie dans la boîte, et enfin d'allumer la bougie. La cire coule alors dans la boîte de punaises et non pas sur la table. Retenez simplement là que cette pensée convergente renvoie votre faculté à pouvoir résoudre des problèmes dans un environnement connu. >> Vous vous en doutez, on va aussi vous parler de pensée divergente. Pour ça, on va vous faire un autre petit test, qui est celui proposé par Joy Paul Guilford, et dont l'énoncé est très simple. Qu'est-ce que vous pouvez imaginer faire avec un trombone? Un trombone pour accrocher des feuilles. Quels sont les usages détournés que vous pouvez imaginer? De nouveau, vous pouvez mettre la vidéo sur pause si vous voulez jouer à ce jeu-là. Simplement, l'idée c'est bien de trouver tous les usages détournés de ce trombone. Sachez, par exemple, qu'on peut le déplier et en faire un hameçon à canne à pêche. On peut aussi en faire une boucle d'oreille, par exemple. On peut faire un porte-clés avec un trombone. On peut imaginer aussi en faire un pic pour ouvrir un téléphone portable ou remettre ses lacets. Je m'arrête là, mais sachez que vous pouvez vraiment faire beaucoup de choses avec un trombone. Sachez simplement que, si vous avez pensé à beaucoup d'usages détournés autour de ce trombone, vous avez de la chance parce que vous avez une pensée qui est divergente. Et c'est exactement ce type de pensée qu'on va aller attraper, mobiliser dans la quatrième case du DMC, pour aller chercher les impensés autour de votre projet. Retenez, en tout cas, que la pensée divergente, ça repose sur votre capacité à pouvoir détourner les choses, à pouvoir les voir autrement. >> Pour résumer, dans cette quatrième case, il va falloir trouver des petites actions à entreprendre pour creuser autour de son projet. Une partie de ces actions va devoir permettre d'éclaircir les angles morts définis dans la troisième case, et une autre partie consistera à aller explorer des impensés autour de votre projet, en faisant appel à votre pensée divergente. Maintenant que vous avez compris tous les concepts cachés derrière cette quatrième case, il est temps de passer en mode atelier et de mettre en pratique ce que vous avez appris. [MUSIQUE] [MUSIQUE] >> Pour résumer le chemin parcouru jusqu'ici, les vidéos que vous êtes en train de regarder peuvent être considérées comme un dans l'incertain. En effet, conformément à la définiton de l'incertitude de Frank Knight, nous ne pouvons pas dire avec quelle probabilité ces vidéos auront un succès ou si elles seront un échec, car l'univers des médias qui véhiculent des contenus pédagogiques en ligne est très mouvant. Donc nous remplissons un DMC pour cheminer dans notre réflexion et prendre les bonnes décisions. Dans la première case du DMC, celle consacrée aux objectifs et valeurs de notre série de vidéos, nous avons dit que nous voulions que nos vidéos soient aux standards attendus par les professionnels et massivement regardées. Par ailleurs, nous avons vu que ces vidéos reposaient sur une valeur forte de vulgarisation du savoir scientifique. Ensuite, dans la deuxième case du DMC, consacrée aux certitudes, nous avons acté que le thème de la vidéo était intéressant pour les professionnels. Dans la case 3, qui s'intéresse aux angles morts autour du projet, nous avons dit que nous ne savions pas quelle était la nature de la concurence. Maintenant, nous allons donc réfléchir aux explorations que nous pourrions réaliser pour réduire l'incertitude autour de notre projet. >> Pour commencer, on va s'intéresser aux explorations à réaliser pour réduire les angles morts sur notre projet, sachant que nos angles morts, on les a déjà identifiés dans la case 3 du DMC. On a dit qu'on avait pas d'information sur nos concurrents, on va donc aller regarder si des concurrents existent. Dans la case consacrée aux explorations, vous ne pouvez pas juste vous contenter d'écrire une simple direction générale : il faut nommer la petite action précise qui va vous permettre de réduire votre angle mort. Dans notre cas, on va aller regarder concrètement si des vidéos du même genre existent sur YouTube, sur Coursera et sur LinkedIn. Maintenant, concernant les explorations qui ne sont pas sous le lampadaire, c'est-à-dire les impensés autour de notre projet, nous pouvons simplement demander des informations à des amis qui connaissent le monde des MOOC. En faisant ça, on va aller chercher des informations surprenantes, des informations auxquelles on aurait pas pensé. De manière générale, appeler des amis pour leur demander ce qu'ils pensent de notre projet, c'est une très bonne façon d'explorer. Notez d'ailleurs que c'est Saras Sarasvathy qui nous le dit, elle nous le dit mais on l'oublie toujours. >> Saras Sarasvathy est une chercheuse qui a fait sa thèse sous la direction d'Herbert Simon, prix Nobel d'économie. Elle a créé le concept d'effectuation. [MUSIQUE] [MUSIQUE] Ce concept est désormais assez connu, notamment dans le monde de l'entrepreneuriat. Je vais pas entrer dans les détails de sa théorie mais je vais juste vous résumer sa pensée rapidement et en vous présentant le concept d'effectuation à partir d'un exemple. Imaginez que vous voulez inviter des amis à dîner. Vous avez deux façons de procéder pour préparer le dîner. Première façon, vous commencez par choisir le plat que vous envisagez de faire, ensuite vous allez regarder la recette pour savoir comme exécuter ce plat, puis vous allez faire les courses pour acheter les ingrédients nécessaires à sa réalisation. Dans ce cas, vous avez une rationnalité causale : vous vous êtes fixé un objectif, un plat précis à préparer, et dans un lien de cause à effet, vous allez faire vos courses pour acheter les ingrédients de la recette ; vous êtes causal. La deuxième façon d'organiser votre dîner est d'ouvrir la porte de votre frigo et examiner ce qu'il contient, et à partir des aliments que votre frigo contient, vous allez composer un plat dans une dynamique d'essais erreurs, dans un cheminement fait de hasards, que l'on appelle la sérendipité. Dans cette démarche qui consiste à partir des ingrédients que vous disposez dans votre frigo, sans préjuger du type de plat que vous allez réaliser, vous avez une rationnalité effectuale : vous partez des moyens dont vous disposez, en l'occurence les aliments présents dans votre frigo, et vous allez vers des effets atteignables, un plat que vous allez réaliser, et dans ce cas, vous êtes effectual. Évidemment, pour évoluer dans une boite noire, vous aurez compris qu'il est préférable d'être effectual et non pas causal, et d'ailleurs le D.M.C. s'inscrit dans une perspective effectuale. >> Le lien avec l'appel à des amis est finalement assez vite trouvé. On oublie souvent qu'ouvrir son frigo, c'est partir de ce que l'on a, et parmi ce que l'on a, on a des connaissances, on a des amis, on a une famille. Ouvrir son frigo, c'est donc aussi se demander qui je connais, s'interroger sur qui je connais pour faire progresser son projet est, en fait, une très bonne façon d'explorer de manière effectuale. Appelez un ami et vous aurez de grandes chances de découvrir ces fameuses inconnues inconnues sur votre projet, c'est-à-dire, des choses que vous ne saviez pas ne pas savoir. De notre côté, ça tombe bien : on a un ami qui s'appelle Maxime et qui travaille chez Coursera, on est donc à peu près certains qu'il pourra nous donner des informations utiles sur notre projet de vidéos, il suffit de l'appeler. >> Voilà qui clôt cet épisode sur la quatrième case du DMC, la case Exploration. Dans le prochain épisode, nous aborderons en détail la cinquième case dédiée aux attentes que vous pouvez avoir sur vos explorations et les métriques associées. 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