[MUSIQUE] [MUSIQUE] Pour moi, la difficulté principale sur le financement, c'est la multiplicité des interlocuteurs, c'est un petit peu normal, et du coup la multiplicité, pas des discours, je ne vais pas dire ça, mais des dossiers à remplir ou des présentations qu'il faut faire de manières différentes, à différentes personnes et s'adapter à tous ces interlocuteurs, alors ce sont des clients donc il faut écouter les clients et s'adapter aux clients. C'est vrai que c'était une difficulté, combien de temps on y passe versus combien de temps on passe à créer de la valeur dans l'entreprise, améliorer sa qualité de service ou son impact social, par exemple. Donc c'était la principale difficulté pour moi, et liée à ça, il y a la question de l'anticipation des besoins et du coup d'être prêt au bon moment et ne pas chercher de l'argent en catastrophe, parce que ce n'est jamais bon d'être soi-même pris par le temps. C'était pour moi la plus grande difficulté sur la recherche de financement, même si, globalement, j'ai l'impression que les fonds existent et que c'est vraiment la capacité à présenter des projets qui correspondent aux enjeux des financeurs, donc le temps qu'on y consacre. Globalement, moi j'ai l'impression qu'il y a pas mal de moyens disponibles pour l'entreprenariat social. Je pense que s'il en manque vraiment quelque part, c'est sur le financement du tout démarrage, quand c'est vraiment encore n'importe quoi ou encore vraiment de l'innovation pure et qu'il faut tester un modèle complètement à perte et qu'on a besoin de 50 000, 100 000, 500 000 euros pour tester quelque chose, vraiment, et montrer qu'il y a quelque chose derrière qui peut être concret. Donc ça c'est vrai que c'est un rôle plutôt, je dirais, de fondation privée, donc là on est peut-être un petit peu limité, aujourd'hui, dans le paysage que je connais. Après, une fois qu'on a une entreprise, qu'on s'adresse à des investisseurs ou à des banques, j'ai l'impression que les moyens existent, la vraie difficulté c'est d'arriver à avoir l'ambition qu'il faut, monter des projets en écoutant bien les investisseurs, et en comprenant bien aussi leurs attentes. Et je pense que les investisseurs sont aussi beaucoup dans une approche où eux ils n'ont pas assez de projets, qu'ils vont appeler suffisamment bien, pour pouvoir investir et placer leur argent. Donc, la difficulté, elle n'est pas dans la quantité d'argent disponible, elle est dans comment l'investisseur et l'entrepreneur se rencontrent et montent ensemble un projet qui a du sens pour les deux, avec la difficulté, c'est que je pense, autant sur de l'investissement pur, il y a les moyens, autant des structures qui sont capables de jouer le rôle ensuite d'actionnaire à fond, actionnaire ou enfin, ça peut être juste financeur. Une fondation qui finance un projet, elle n'en est pas actionnaire mais elle est partie prenante forte et sponsor fort du projet. C'est derrière, au-delà du lien financier, tout ce qui va se passer à côté, l'aspect accompagnement, l'aspect mise en réseau, l'aspect ressources humaines, trouver les, ressources en général, aider à trouver les bonnes ressources et comment les financeurs envisagent leur rôle sur ça. Les investisseurs classiques, ils ont vraiment une vision qui est, ben, je rentre, je suis actionnaire, je m'investis et je vais faire tout pour que cette entreprise prenne de la valeur. Est-ce que les investisseurs sociaux ont les moyens, ce n'est pas forcément une question de volonté, mais ont les moyens aussi de faire tout ça, parce que je pense que c'est un facteur clé de succès qui est très important dans le, dans l'impact investing. Donc, je dirais, j'ai l'impression que la ressource financière, elle est là, la ressource humaine, qui correspond au volant accompagnement, mise en réseau, je ne suis pas sûr qu'elle soit suffisante, aujourd'hui. Ce qui fonctionne bien aujourd'hui, j'ai l'impression dans l'impact investing en France ou pour le moins, c'est qu'il y a de plus en plus d'acteurs qui s'y intéressent, ça devient quelque chose culturellement qui s'est beaucoup, pas développé, mais qui s'est beaucoup diffusé, et donc beaucoup de gens qui s'y intéressent, qui veulent avoir leur activité d'impact investing, ou qui disent tiens, oui, ça a du sens, je veux donner du sens à ce que je fais, c'est vrai qu'on a eu pas mal de, on est dans une période un petit peu mouvementée, aussi bien financièrement qu'au niveau des conflits qu'il peut y avoir autour du globe, donc je pense qu'il y a une réflexion sur le sens qui est plus forte, une démarche individuelle aussi par rapport à cette recherche de sens qui fait que des individus, ou des structures, se disent : bon moi à mon niveau, qu'est-ce que je peux faire? Et si mon métier c'est d'investir, par exemple, comment je peux investir pour essayer de m'attaquer à ces sujets là. Bien sûr, il y a aussi le changement climatique qui rappelle régulièrement, l'intérêt de l'entreprenariat social. Donc ça, c'est un climat global qui est favorable. Je pense que, je vous dit, oui, des gens qui se posent aussi la question de leur rôle et qui se disent, bah moi je ne peux pas forcément être entrepreneur mais peut-être que je peux financer des choses ou je peux faire que ma structure finance des choses. J'ai l'impression qu'on avance dans le bon sens à ce niveau-là, et puis on a aussi plus d'expérience, il y a aussi plus d'exemples d'entreprises sociales qui se sont développées, qui ont réussi, donc ça rassure aussi, je dirais, les intervenants. Donc ça c'est une chose qui va vraiment dans le bon sens. Il y a de plus en plus d'argent disponible pour financer ça. Toutes les entreprises aujourd'hui ont des fondations. C'est l'épargne salariale aussi, ça a libéré de l'argent pour financer des projets comme ceux qu'on peut porter en tant qu'entrepreneur social. Il faut savoir aller le chercher, mais ça existe. Donc sur ça, je pense qu'on avance vraiment dans le bon sens. Sur ce qui pourrait manquer aujourd'hui dans l'écosystème de l'entrepreneur social, enfin au niveau financement, moi j'ai envie de dire le premier truc, mais ce n'est pas un truc spécifique à l'entrepreneur social, mais une fois de plus il ne faut pas oublier que l'entrepreneur social, c'est un entrepreneur, c'est le statut de l'entrepreneur. Dans notre société, c'est quoi un entrepreneur? Comment il est protégé? Qu'est-ce que ça représente comme niveau de risque d'entreprendre? Et je ne parle pas des quelques milliers d'euros qu'on va mettre dans une société et peut-être perdre. C'est une protection sociale qui est défaillante, c'est un après-entreprenariat qui est très compliqué, un parce que l'échec en France est mal vu, deux parce que l'entrepreneur est mal protégé. Et je pense que ça, c'est un vrai point qui pourrait évoluer, parce que, et ça concerne tous les entrepreneur, parce que c'est un, ça peut être un frein, soit à l'entreprenariat, soit au ré-entreprenariat, enfin la deuxième expérience ensuite, parce que c'est vraiment très particulier par rapport à l'intensité de l'implication que nécessite la création d'une structure, je dirais c'est, enfin une fois de plus, qu'elle soit associative, sous forme, peu importe la forme juridique, c'est pas la question, c'est vraiment ce statut-là qui me paraît pas à la hauteur des ambitions qu'on pourrait avoir. Il y a une vraie question sur l'enjeu du financement de l'innovation, de l'innovation sociale. L'innovation technologique on voit assez bien ce que c'est et il y a des dispositifs qui existent sur ça, soit des fonds propres parce que les investisseurs disent ok, j'investis sur cette recherche-là, soit des dispositifs publics qui vont inciter à la recherche et développement parce qu'on a bien compris que c'était des facteurs de compétitivité derrière, sur l'innovation sociale, la mue est en train de se faire, c'est en train de venir, le public en particulier est en train de comprendre ce que c'est l'innovation sociale et de se dire oui, ça peut être intéressant de financer l'innovation sociale, c'est le cas de la BPI, par exemple, qui avance sur ça, néanmoins, c'est encore un vrai enjeu. Aujourd'hui, il y a quelques fondations privées qui vont dire oui ça vaut le coup de financer la recherche et développement, pour trouver la bonne manière de retrouver du boulot, la bonne manière de sortir un SDF de la rue, la bonne manière de donner à manger à tout le monde, quel que soit l'impact social qu'on va rechercher, on peut faire de la recherche et développement, on peut avoir des idées qu'il faut tester, on va tâtonner, on va rencontrer des gens, on va tester in situ, voilà, tout ça on peut l'assimiler à une période, un temps de recherche et développement et la question se pose de comment on finance ça, si on n'a pas de client au départ, donc il y a les fondations privées, il pourrait y avoir des enveloppes, comme pour l'innovation technologique, pour financer de l'innovation sociale et ça c'est un vrai enjeu aujourd'hui, pour qu'on puisse ensuite déployer, enfin savoir tout ce qui marche, et le déployer par la suite. Et vraiment se considérer comme innovateur, et comme chercheur en fait, et se dire, voilà, ça c'est clair, ce premier financement là, c'est un financement de recherche et développement, je n'ai pas de retour à vous proposer, au-delà du fait que j'aurais mis au point ma solution, et que là, elle sera exploitable ou développable en tout cas. Une autre manière, qui me paraît intéressante, de financer l'innovation sociale, c'est ce qui se développe, s'est développé un petit peu en Angleterre, et qui est à l'étude aujourd'hui en France, c'est ce qui s'appelle le social impact bonds, j'ai pas la traduction exacte mais elle doit exister, avec l'idée d'investir sur le retour social. Je trouve ça très intéressant. C'est-à-dire, moi je suis entrepreneur social et je dis que je vais créer dix emplois. Si je crée dix emplois, vous, la collectivité, vous allez économiser tant, parce que vous ne paierez plus ces gens qui ne seront plus au chômage, plus au RSA, etc. donc, est-ce que vous êtes d'accord, si j'arrive à créer dix emplois, vous me donner tant. C'est l'idée du social impact bonds pour moi, qui me paraît super intéressant, ou vous investissez tant, enfin du coup, ça c'est la collectivité, le bénéficiaire final qui va dire ok, moi je donne tant si vous créez dix emplois, ce qui vous va vous permettre de proposer à des investisseurs de dire bon, les gars, si on arrive à créer dix emplois, on va recevoir tant, donc si vous maintenant, vous me donnez telle somme d'argent, moi je serai capable de vous verser tant de retour sur investissement social, une fois qu'on aura créé les dix emplois, parce que on a un client, finalement, pour ces dix emplois là, ou pour cet impact social-là. Donc je trouve cette démarche intéressante parce que je pense que ça peut toucher des investisseurs qui ont l'habitude de cette prise de risque-là, et avec l'idée de dire que oui, si ça marche, en même temps, on peut gagner de l'argent avec de l'impact social puisqu'on fait économiser de l'argent globalement à la société, donc on crée de la valeur, c'est autant d'argent qui est disponible pour d'autres choses pour la communauté. Dans ma vie d'entrepreneur, j'ai fait beaucoup de juridique. Ça a toujours été une partie importante de mon travail. Je continue de penser que tout le juridique doit être au service du projet entrepreneurial, donc c'est dans un deuxième temps. D'abord l'ambition, d'abord ce qu'on veut faire, d'abord l'impact qu'on veut avoir, et ensuite qu'elle est la meilleure structure juridique pour y arriver et pas le contraire. Donc il faut le mettre à cet endroit-là dans le projet stratégique, c'est une brique du projet stratégique, c'est pas la première. Ensuite, on peut avoir plein de manières d'agir, et comme on est sur des frontières un petit peu nouvelles, on est un petit peu dans un far west aussi quand on est entrepreneur social, eh bien on va utiliser les différentes structures juridiques qui peuvent exister : des structures commerciales, des structures associatives, des structures coopératives, j'ai envie de dire peu importe, l'important c'est de bien les imbriquer, et c'est vrai que selon les structures juridiques qu'on utilise, on n'a pas accès aux mêmes financements. Donc ça peut être intéressant d'avoir un dispositif aussi qui permet, qui correspond à la diversité du projet et qui, du coup aussi, permet de s'adresser à différentes personnes, différents types d'investisseurs. À la Table de Cana, nous on avait une association actionnaire majoritaire d'une société commerciale, donc on pouvait avoir des investisseurs sur la société commerciale, l'association gardant le contrôle majoritaire, des financements, plus de type subventions, sur l'association, des financements publics liés au travail d'insertion sur la société commerciale, etc., etc. Donc on allait choisir aussi, on pouvait avoir des donateurs sur l'association qui permettaient à l'association d'investir en capital dans la société par exemple, donc on avait toujours une réponse juridique, sans faire les choses trop complexes non plus, le but c'est de voir tout ce qui est possible ensuite de faire un dispositif simple, mais qui permette de faire ça. Une autre entreprise d'insertion que je préside aujourd'hui, et qui s'appelle Marguerite, a le même type de dispositif, c'est association majoritaire, mais pas forcément à 100 %, moi je trouve ça intéressant aussi d'ouvrir la porte à d'autres actionnaires sur la société commerciale, et puis une société commerciale en dessous. Sur Tudo Bom, on était une société purement commerciale, on n'avait pas d'association majoritaire, on était des individus, des individus actionnaires, donc là on était par exemple coupé de tout un tas de type de financements, mais c'était un choix qu'on avait fait, on pensait que c'était un projet qui pouvait se financer d'abord et avant tout par les clients parce que dans tous les financeurs, il ne faut pas oublier non plus qu'il peut y avoir les clients et que ça peut être le premier financeur de beaucoup de projets sociaux. [AUDIO_VIDE]