[MUSIQUE] [MUSIQUE] L'espace de travail est également le lieu d'autres formes de violences de genre, que sont les violences homophobes et transphobes. Lorena Parini, de l'Institut des Études genre de l'Université de Genève, mène une enquête sur ce thème, dont elle va nous présenter les premiers résultats. Lorena Parini, bonjour. Peut-être une question assez simple pour commencer. Qu'est-ce que l'homophobie et la transphobie? Quelles sont les formes qu'elles vont prendre dans l'espace professionnel? >> L'homophobie et la transphobie sont un ensemble d'actes ou de paroles qui peuvent être violents, qui peuvent être discriminants, et qui produisent des inégalités. Ces comportements peuvent être très différents de la blague, par exemple, de la stigmatisation, de l'imitation, vers des actes qui sont parfois très violents, comme du harcèlement moral ou sexuel, ou alors des actes de mise à l'écart des personnes de l'équipe, ou mise à l'écart de projets intéressants, jusqu'à l'agression physique qui est aussi une des façons d'agir contre les homosexuels ou les trans. La forme la plus courante qu'on a constaté dans notre recherche, c'est la blague, où à peu près 70 % des personnes qui ont répondu au questionnaire disent que la blague homophobe ou transphobe, elle est assez courante au travail. Elle n'est pas forcément dirigée contre quelqu'un en particulier, mais cela peut causer une sorte de climat de travail homophobe où l'homosexuel ou le trans devient la cible des blagues, des petites imitations, des choses de ce type. >> Peut-être est-ce que vous pouvez nous dire qu'est-ce que ces formes de rejet ou de discrimination nous disent finalement sur les hiérarchies entre les sexualités? >> Cela nous dit beaucoup. Beaucoup d'abord, parce que l'homosexualité a été longtemps considérée comme une pathologie, voire elle a été criminalisée dans beaucoup de pays. Je signale que dans certains pays, elle y est encore criminalisée, et donc, historiquement, il y a un passif dans l'acceptation de cette orientation sexuelle comme une sexualité légitime que l'on peut vivre au grand jour. En deuxième lieu, l'homosexuel homme historiquement était considéré comme un homme, comme une sorte de sous-homme, un homme qui n'est pas vraiment totalement viril, qui n'est pas totalement homme. On pensait que tous les gays étaient efféminés, ce qui évidemment est loin d'être le cas. Comme le monde est sexué et hiérarchisé et que le masculin est le genre dominant, on comprend aisément que celui qui n'est pas considéré comme un homme à part entière, un vrai homme, qui est supposé ne pas être assez viril, peut être considéré donc comme un faible et peut subir certains types de discriminations ou de violences. Du côté de la femme homosexuelle, on est également souvent encore aujourd'hui dans l'idée que ces femmes sont masculines, sont plus masculines que les femmes hétérosexuelles, et qu'elles sont en fait trop masculines. Donc, ces deux figures, le gay, la lesbienne, contredisent cette logique dominante qui veut que les hommes qui naissent, entre guillemets, biologiquement hommes soient virils, et les femmes qui naissent biologiquement femmes soient féminines. Alors évidemment, ces figures-là ne sont pas toujours évidentes dans la vie quotidienne. Les identités des uns et des autres sont très individuelles, mais c'est dans la représentation du fait que ces femmes, par exemple, les femmes lesbiennes, seraient survirilisées et donc, en quelque sorte, prendraient une place qui n'est pas la leur dans le monde, y compris dans le monde du travail, et que les hommes gays seraient sous-virilisés, et donc ne rempliraient pas non plus leur rôle dans ces hiérarchies au travail. >> Le fait qu'il y ait eu une enquête comme la vôtre montre que ces normes sont contestées, en tout cas, qu'elles sont remises en cause. Quelles sont les formes de reconnaissance qui existent aujourd'hui de ces questions? >> Avant de vous répondre, je voudrais encore dire un mot sur les personnes transidentitaires, >> qui n'a rien à voir avec l'orientation sexuelle, mais qui donne lieu aussi à des discriminations au travail. Pour les personnes transidentitaires, le problème, entre guillemets, ou la sanction sociale vient du fait que par exemple, une femme qui voudrait transiter vers le sexe masculin serait en quelque sorte en train d'usurper une place qui n'est pas la sienne, et que les hommes qui voudraient transiter vers le sexe et le genre féminin seraient en train d'accepter une sorte de diminution de leur importance, d'abaissement, de rabaissement et donc, c'est à ce niveau-là que la discrimination peut se faire. Alors, quelle forme de reconnaissance aujourd'hui? Quelle forme aussi de lutte? Parce que les associations LGBT ont lutté et luttent actuellement pour que le monde du travail devienne plus respectueux des identités de chacune et de chacun. Cela dépend beaucoup des pays, des législations. Il y a évidemment le côté juridique, mais qui n'est pas suffisant. Il ne suffit pas de mettre dans une loi qu'il est interdit de discriminer, pour qu'effectivement les gens ne soient plus discriminés. Mais, il y a des luttes qui voudraient que ces discriminations soient clairement dénoncées dans la loi. Par exemple, en Suisse, le Code des obligations qui régit les rapports de travail ne dit pas explicitement cela. Il dit, il faut que l'employeur protège la personnalité de l'employé. Alors, la personnalité de l'employé, cela peut être beaucoup de choses, mais pour certains, il serait suffisant de dire cela pour que l'orientation sexuelle et l'identité de genre puissent être comprises dans cette façon de dire les choses un peu euphémisée. Mais, au niveau international, l'ONU ou l'Union européenne se préoccupent de cette question de plus en plus. Depuis le début des années 2010, l'ONU a dit clairement que l'homophobie et la transphobie dans le monde du travail sont des comportements à combattre, l'Union européenne aussi. Si vous voulez savoir d'une manière un peu plus précise dans quel pays on a fait des recherches et comment ces discriminations sont vécues dans différents pays, je vous incite à visiter le site de l'ILGA, qui est l'International Lesbian and Gay Association, où chaque année, pour chaque pays, dans le monde entier, ils effectuent des analyses pour nous montrer comment les législations bougent ou pas, et comment cela a éventuellement des effets sur la vie concrète des gens ou pas. >> Merci beaucoup, Lorena Parini. [MUSIQUE] [MUSIQUE]