[MUSIQUE] [MUSIQUE] Bonjour et bienvenue. Dans cette session nous allons parler de comptabilité carbone et expliquer ce que sont les procédures MRV [BRUIT], les bases de la méthode de comptabilisation des émissions, les périmètres de cette comptabilité, ce qu'est un projet climato-compatible, et enfin à quoi sert cette comptabilisation des émissions. Tout d'abord, les MRV. Measuring, Reporting and Verifying measures. De quoi s'agit-il? La notion de MRV c'est un ensemble de processus et de procédures qui permette la collecte et le rapportage de données sur les émissions de gaz à effet de serre et enfin leur vérification. Ces procédures MRV ont été mises en place par la Convention cadre des Nations-unies sur le changement climatique, la CNUCC, depuis le sommet de Cancun, en 2010. Tous les pays du Nord fournissent actuellement les informations concernées dans ce format, l'extension à l'ensemble des autres pays est en cours. Les données MRV doivent être produites tous les quatre ans avec une mise à jour tous les deux ans. Elles se basent sur la méthodologie mise au point par le GIEC pour mesurer les émissions de gaz à effet de serre et elles contiennent un inventaire des six gaz les plus importants à ce stade, le dioxyde de carbone, le méthane, le protoxyde d'azote et les dérivés fluorés, HFC, PFC, et SFC. Elles sont faites par secteur, énergie, processus industriels, utilisation des solvants, agriculture, déchets, utilisation des terres et des forêts. Les mesures MRV sont la référence et le déclencheur des politiques climatiques nationales. Leur publication est un facteur de confiance et de transparence dans les négociations internationales où tout le monde a besoin de savoir ce que font les autres. Elles peuvent aussi conditionner l'octroi de financement. L'application de ces MRV doit pouvoir être auditée par des experts indépendants. Il faut noter que le secteur du transport international maritime et du secteur international aérien échappe aux MRV car ces émissions ne sont comptées que dans les eaux et les espaces aériens nationaux. Les secteurs internationaux dont je viens de parler doivent fait l'objet d'une régulation de leurs émissions qui est encore en discussion et vraiment, entre nous, c'est un vrai problème. [BRUIT] Deuxième point de cette session, les bases de la comptabilité des émissions de gaz à effet de serre. [BRUIT] Tout d'abord, on ne mesure pas les émissions avec un capteur, en fait, elles sont estimées par des méthodes de calcul. La méthode du bilan carbone a été développée en France par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, et elle a inspiré la norme internationale ISO en la matière et le protocole, Greenhouse Gases Protocol, mis au point par le think tank WRI et le WBCSD. De nombreux organismes dans le monde calculent des bilans carbone avec des méthodologies plus ou moins fiables mais qui ont toutes les mêmes bases. On peut faire aussi le bilan carbone d'un pays, d'un territoire, d'un projet, d'une entreprise ou d'un particulier, les bases de méthodes sont les mêmes, c'est celles qu'on va voir. Comment se fait ce bilan carbone? Ce bilan se fait en multipliant pour chaque activité concernée une quantité, par exemple un nombre de kilomètres parcourus, des kilowattheures consommés, cette quantité est multipliée par le facteur d'émission de cette action. Donc les données d'activité sont des données physiques, les kilomètres parcourus, les kilowattheures consommés, mais elles doivent être multipliées par un facteur d'émission. De quoi s'agit-il? Les gaz à effet de serre [BRUIT] ont un potentiel de réchauffement global qui dépend du gaz, mais qu'il est possible de ramener à celui du dioxyde de carbone, du CO2 qui sert de référence. On appelle facteur d'émission, ou F.E., d'une action donnée la quantité moyenne de gaz à effet de serre engendrée par une unité de cette action exprimée en équivalent CO2. Prenons un exemple. [BRUIT] Une voiture qui roule pendant un kilomètre émet du CO2 du fait de la combustion de son carburant, gasoil ou essence, le facteur d'émission, F.E., dépend du modèle de la voiture et du combustible. En ordre de grandeur, il se situe entre 80 et 300 grammes de CO2 au kilomètre en fonction des modèles. Prenons un deuxième exemple. [BRUIT] Le facteur d'émission de l'électricité dépend bien sûr du mix énergétique avec lequel cette électricité est produite. Le facteur d'émission, ainsi contenu en carbone, 20 kilowattheures électriques. Ce mix dépend d'un pays à l'autre. Le facteur d'émission est d'autant plus élevé que cette électricité est produite avec d'autant plus de charbon, puis de pétrole, puis de gaz, puisque le charbon émet plus de CO2 par unité d'énergie que le pétrole, qui lui-même en émet plus que le gaz. Le facteur d'émission de l'électricité est d'autant moins élevé que l'électricité est produite avec plus d'hydraulique, de nucléaire, ou d'énergies renouvelables qui sont faiblement émettrices de carbone. En ordre de grandeur, toujours pour que vous ayez des ordres de grandeur, le facteur d'émission varie entre 80 et 800 grammes par kilowattheure électrique. Pour synthétiser tout cela, le bilan carbone va donc être une addition de multiplications. Pour chaque action concernée par le bilan carbone, on va multiplier les données d'activité par leur facteur d'émission. 300 kilomètres de déplacement en voiture multipliés par 150 grammes font 45 kilos de CO2. Deux mégawattheures d'électricité consommés à raison de 100 grammes le kilowattheure, ça fait 200 kilos de CO2 etc. Les facteurs d'émission sont établis par des organismes spécialisés comme l'ADEME, en France, dont j'ai parlé tout à l'heure, et ils sont disponibles dans des bases de données publiques ou privées. Les données d'activité, elles, sont collectées au cas par cas pour l'entité et l'année précédente. [BRUIT] Je vais parler maintenant d'un troisième point qui est comment, [BRUIT], ces émissions de gaz à effet de serre, consolidées dans un bilan carbone, sont regroupées. Elles sont regroupées par scope, le scope 1, le scope 2, le scope 3. [BRUIT] Rappelons d'abord que le bilan carbone prend en considération toutes les activités nécessaires à l'entité considérée, indépendamment de toute considération de nature juridique. Si l'entreprise a besoin de papier, on compte le papier, même s'il n'y a pas d'imprimerie ou de fabrique de papier. Donc qu'est-ce qu'on compte? On compte la consommation d'énergie pour les procédés et pour le chauffage ou pour d'autre besoin. On compte l'utilisation des transports pour les marchandises et les personnes. On compte l'achat de matériaux ou d'autres objets, de marchandises, on compte les matériels immobilisés, la gestion des déchets. Pour l'ensemble de l'entité considérée, que ce soit une entreprise, une administration, une produit, un territoire, une personne, on prend en compte les émissions directes, sur le site, et les émissions indirectes nécessaires à cette activité ou qui sont engendrées par l'activité, qui sont faites soit par des fournisseurs, soit par des employés, soit par des clients. On évalue par des questionnaires, ou par une estimation d'experts, les données d'activité, combien de kilomètres, combien de tonnes de ciment, combien de tonnes de papier, de kilowattheures, et, une fois qu'on a ces informations de données d'activité, on les multiplie avec des tableurs par le facteur d'émission correspondant. On peut ensuite agréger toutes ces données, en choisissant l'un des trois niveaux suivants,[BRUIT], ce qui correspond au scope 1 et 2, qui sont les scopes directs, donc l'énergie et l'électricité et la chaleur, donc l'énergie directement consommée sur le site, c'est le scope 1, le scope 2 c'est l'énergie qui est issue d'électricité ou de réseau de chaleur, où les émissions de gaz à effet de serre sont un peu plus loin que celles qui sont sur le site, et puis le scope 3 c'est l'ensemble de toutes les autres émissions de gaz à effet de serre. [BRUIT] C'est ainsi qu'on fait un bilan carbone. Maintenant qu'on a bien compris quels étaient les instruments de mesure et les méthodes de mesure, on peut répondre à la question [BRUIT] suivante : qu'est-ce qu'un projet climato-compatible? [BRUIT] Alors l'AFD, l'Agence française de développement, a mis au point une méthode pour mesurer systématiquement les émissions de gaz à effet de serre induites par un projet donné, mettons que ce soit un projet d'infrastructure, et aussi les émissions de gaz à effet de serre qui sont évitées par ce projet. L'AFD participe aussi, au sein du club de banques de développement, l'IDFC, à la définition de ce qu'est un actif climat. C'est un actif qui, au total, contribue à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. La méthode évalue les émissions induites et évitées, sur toute la durée du projet, depuis le début de son instruction jusqu'à la fin de vie et éventuellement son démantèlement. Par exemple, les émissions d'une autoroute sont liées d'une part au chantier, c'est l'énergie consommée par les engins, liées à la fabrication du bitume, des enrobés, à l'exploitation de l'autoroute, la maintenance, les péages s'il y en a, et les émissions, bien sûr, qui sont liées au trafic des véhicules qui l'empruntent. Donc, comme vous le voyez, c'est extrêmement complet. Pour calculer les émissions évitées par la mise en œuvre d'un projet on se base sur le scénario où le projet n'aurait pas existé, ou bien sur la comparaison avec un projet alternatif, et ensuite on constate que le projet a évité des émissions. [BRUIT] Je vais parler maintenant des enjeux de la comptabilisation carbone. [BRUIT] Tout d'abord, mesurer l'impact carbone d'un projet ça permet d'orienter l'argent, donc nos moyens, vers les projets qui contribuent le plus à la décarbonation de l'économie. Cela permet aussi de fixer des seuils, des normes d'intervention, par exemple on peut décider de refuser de financer des projets à partir d'un certain seuil d'émission. On peut aussi se donner des objectifs de contribution au financement climat. C'est le cas d'un établissement comme l'AFD, qui se donne un objectif de 50 % de financement à co-bénéfice climat, objectif qui a été atteint en 2014 et 2015. Tout ceci n'est possible que si on a des méthodes de calcul. Enfin, cela permet aux investisseurs en capital et aux financeurs en dette de mesurer l'empreinte carbone de leur portefeuille. De nombreux investisseurs institutionnels ont en effet souhaité rendre publics leurs empreintes carbone et leurs efforts de réduction. On peut citer, par exemple, le Montreal Plage, la Portfolio Decarbonization Coalition, en 2015, ce sont des coalitions d'acteurs financiers. En France, l'article 173 de la Loi de transition énergétique, adoptée en 2015, oblige les investisseurs institutionnels à publier leur empreinte carbone. Autre enjeu, au niveau des pays, les informations contenues dans les MRV sont la base des négociations climat. Mais leur caractère public a aussi un intérêt, il permet de faire un certain nombre d'études comme celles illustrées par le graphique suivant. Ce graphique, qui relie l'intensité carbone d'un pays et son niveau de développement, nous permet de remettre en cause une idée reçue selon laquelle, forcément, plus on est développé et plus notre intensité carbone est élevée. Voilà, je vous remercie. Nous avons traité aujourd'hui l'ensemble des points relatifs à cette comptabilisation carbone et à ses enjeux. À bientôt. [BRUIT] [MUSIQUE]