[AUDIO_VIDE] Bienvenue au MOOC : Restructuration des quartiers précaires des villes africaines. Nous allons au cours de cette vidéo vous présenter une opération conduite en Mauritanie, à Nouakchott, entre 2003 et 2008, pour la restructuration du quartier précaire d'El Mina. Il s'agissait du plus ancien et du plus important bidonville de Nouakchott, qui s'est formé au milieu des années 1970, lorsqu'on commençait à ressentir, en ville, les effets de la grande sécheresse de 1973. Mais c'est au début des années 1980 que son développement s'est accéléré, avec les premières tentatives de résorption engagées par les pouvoirs publics entre 1986 et 1988. La plus grande partie des ménages a alors été déplacée et recasée dans le nouvel arrondissement de Riyadh qui venait d'être créé. L'opération n'a cependant pas été menée à son terme, ce qui justifie que le résidu du bidonville non déplacé a continué de s'étendre et de se densifier au fil des ans. Nous allons donc revenir sur cette opération, suivant le plan que voici en 5 points. Dans un premier temps, je vous fournirai quelques données sur le quartier au moment du démarrage de l'opération. Dans un second temps, nous verrons quel a été le dispositif institutionnel qui a été mis en place, la stratégie de restructuration qui a été retenue, les éléments de la mise en oeuvre, ainsi que les résultats qui ont été atteints à la fin de cette opération. La carte que voici vous montre la localisation du quartier d'El Mina dans l'agglomération de Nouakchott. Ce quartier précaire est situé au sud-ouest de l'agglomération, près de ce qui constitue aujourd'hui l'unique bassin d'emploi, avec le Port de l'Amitié, l'ancien wharf, le marché de poisson, et l'ensemble des extensions qui se font aujourd'hui en direction de Nouadhibou, à travers la zone industrielle, l'université et le nouvel aéroport. Le quartier tel qu'il se présentait au moment du démarrage de l'opération couvrait une superficie de 128 hectares, et abritait une population d'environ 50 000 habitants, ce qui correspondait à une densité de l'ordre de 390 habitants à l'hectare, un niveau extrêmement élevé pour Nouakchott et pour la Mauritanie. Les conditions de vie y étaient très précaires, mais qu'en faible niveau de vie, et un revenu de l'ordre de 100 euros par ménage et par mois. Ce quartier occupait des terrains privés, ce qui compliquait le montage et la mise en oeuvre de l'opération de restructuration. Les acteurs impliqués dans le montage et dans la mise en oeuvre de ce programme de restructuration comprenaient naturellement l'État, à travers ses différentes structures techniques, les bailleurs de fonds qui étaient la Banque mondiale et la coopération allemande, la KFW, la communauté urbaine de Nouakchott, les autorités locales représentées par la préfecture et la mairie, ainsi que l'ensemble des organisations de la société civile, ou leurs représentants, lorsqu'il a fallu dans certaines tribunes décider des choix importants pour la conduite de cette opération majeure. Le dispositif institutionnel mis en place était chapeauté par un comité interministériel présidé par le Premier ministre. Ce comité interministériel avait la charge de déterminer les choix stratégiques de restructuration, les budgets consentis, ainsi que la définition des responsabilités de chaque intervenant. Aux côtés du comité interministériel, il a été créé un comité de pilotage, qui regroupait les différentes structures techniques qui avaient la responsabilité du suivi et de la coordination des opérations de restructuration, à la lumière des choix stratégiques et des arbitrages retenus par le comité interministériel. Un comité technique a aussi été mis en place, et avait pour mission d'assister le maître d'ouvrage délégué qui avait été retenu pour la conduite de cette opération, de rechercher des solutions techniques aux problèmes qui se posaient, et de contrôler l'exécution des décisions du comité de pilotage. La stratégie de restructuration retenue reposait sur un certain nombre d'idées qui devaient guider l'opération. D'abord, il fallait anticiper la spéculation en ne favorisant pas la création d'un cadre trop attractif qui inciterait les pauvres à vendre rapidement leurs parcelles. Ensuite, il s'agissait de prévenir la revente des terrains par l'affectation de parcelles non cessibles. On a ainsi opté pour l'attribution d'un badge qui confirmait l'affectation, et non l'affectation d'un titre officiel. Puis on a mis en place une commission spécialement dédiée aux charges d'affectation de terrains et de compensation. Elle était aussi responsable des déplacements des ménages, et des arbitrages de litiges. Enfin, un programme de l'amélioration de l'habitat, appelé TWIZE, a été conçu et mis en place pour accompagner l'installation, ou la réinstallation, des familles. Ce programme, basé sur la constitution d'un groupe solidaire, reposait sur un montage financier en 3 parties égales : l'apport initial du ménage, un don de l'État, et un prêt sans intérêt pour la construction d'un module qui coûtait environ 1 000 euros il y a une dizaine d'années. La préparation et la mise en oeuvre de ce programme s'est faite de façon séquencée. La première phase préliminaire de préparation a duré 2 ans, et a permis la sécurisation du site pour limiter les nouvelles arrivées. Elle a également permis l'élaboration des études techniques, celles des équipements et des infrastructures, à réaliser, mais aussi le recensement des ménages éligibles et l'élaboration des études techniques complémentaires, c'est-à-dire l'étude d'impact social, l'étude d'impact environnemental, et le plan d'action de réinstallation, qui sont des conditions imposées par le bailleur de fonds, à savoir la Banque mondiale. La première phase, à proprement parler, est celle de la viabilisation. Cette phase est celle qui consacre la réalisation des travaux qui concernaient l'aménagement des voiries, la construction des équipements, les écoles, les centres de santé, les marchés, et les blocs de latrines, essentiellement, où sont déplacés les ménages qui étaient installés sous les emprises des voies et celles des équipements collectifs. La seconde phase de l'opération a consisté en la régularisation foncière : les ménages qui restaient sur place devaient être réinstallés dans les parcelles régulières. Il a donc fallu élaborer des plans partiels de lotissements, qui couvraient chaque carré délimité par les voies principales, puis affectaient les parcelles pour ajuster l'occupation des ménages. Les résultats atteints par l'opération sont importants, mais parfois en net décalage par rapport aux objectifs initiaux. Ainsi, au total sur plus de 16 000 ménages concernés, environ 9 000 ont été déplacés, soit plus de 56 pour 100. Ce nombre élevé de ménages déplacés a constitué un des échecs du projet car, souvenez-vous, un des objectifs majeurs, la restructuration in situ, est de minimiser les déplacements de populations. Cependant, le quartier a été doté d'écoles, de centres de santé, d'un réseau d'éclairage public, ainsi que d'un réseau d'eau potable, même si les ménages continuent encore à se ravitailler par le biais des bornes-fontaines. Comme dans toute opération de cette nature, des difficultés ont été enregistrées lors de la mise en oeuvre de cette opération. La première d'entre elles a concerné la mobilisation des ressources, car il n'est jamais facile de réunir autant de financements dans le temps pour les opérations complexes qui doivent se dérouler de façon extrêmement coordonnée. La deuxième difficulté a été l'éligibilité des ménages. À chaque fois que les pouvoirs publics décident de lotir une zone et d'affecter des terrains, c'est comme une sorte d'appel d'air de populations qui viennent s'agglutiner dans ces quartiers, pour espérer enfin profiter d'une distribution gratuite. La troisième difficulté a été, naturellement, le respect des délais. À partir du moment où plusieurs interventions sont à coordonner, on n'est jamais sûr du respect des délais qui étaient prévus par le cahier des charges. Enfin, il s'agit de bien terminer l'opération, ce que j'appelle boucler l'opération, par le traitement des litiges, des cas résiduels qui entachent souvent la fin des opérations, même si elles ont été proprement menées. Les images que vous voyez correspondent à des illustrations des différentes phases du projet. D'abord, le quartier avant sa restructuration ; c'est ce qui explique la faible qualité des images, et nous nous en excusons, pour s'apercevoir de la densité du dénouement et de la précarité des conditions de vie. Ensuite, c'est le déroulement des opérations de recensement des ménages. Enfin, l'élaboration des divers documents de travail qui permettent d'entamer la phase opérationnelle du programme, et le quartier tel qu'il se présente aujourd'hui, une dizaine d'années plus tard, après le démarrage des travaux de sa restructuration. Ce qu'il faut retenir, c'est que cette opération de restructuration du quartier précaire d'El Mina était une opération pilote qui devait donner le ton aux autorités, pour engager par la suite les interventions dans les autres quartiers de Nouakchott, et des autres villes importantes de Mauritanie. Il constituait une première pour les services techniques du pays, et devait de ce fait leur fournir les outils et la méthodologie d'approche de ces quartiers. À l'arrivée, même si cette opération a été un succès et a été saluée par la Banque mondiale et l'ensemble des partenaires de la Mauritanie, elle a constitué un appel d'air qui a plus aggravé la situation qu'il n'a réellement réglé les problèmes. Des quartiers précaires ont par la suite poussé partout dans la ville de Nouakchott, et obligé le gouvernement à intervenir, cette fois suivant une méthode plus allégée, en s'appuyant sur les autorités locales et sur les ressources propres du pays. [AUDIO_VIDE]